Kahofi SUY

Côte d’Ivoire présidentielle 2ème tour : un Face à Face Historique

Gbagbo Laurent (LMP) et Alassane Ouattara (RHDP) lors du face à face

Ceux qui s’attendaient à un débat plein d’animosité et de propos injurieux ont été fortement déçus par l’attitude citoyenne et civilisée des leaders du RHDP et de La Majorité Présidentielle. Alassane Ouattara et Gbagbo Laurent dans cet historique face à face ont envoyé un signal fort à la Côte d’Ivoire, à l’Afrique et au Monde entier.

La politique en Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire n’est plus une question de guerre et de coup bas à répétition. Au pays d’Houphouët Boigny les politiciens ont mûris et ils le montrent. Pendant deux heures deux candidats ont exposé leur programme respectif de gouvernement dans le respect total du peuple Ivoirien et surtout dans le respect réciproque dû à leur rang. « Gbagbo Laurent s’est voulu très différent de ses suppos et le Docteur Ouattara a tranché radicalement avec sa base » soutien Kouamé Alain peintre avant de conclure « il n’y a pas une grande différence entre les deux programmes de gouvernement mais ils nous ont enseigné une chose : la politique, la vraie politique n’est pas la guerre ». Les Ivoiriens depuis ce matin commentent cette actualité et il ressort de leurs analyses que quelque soit l’issue du second tour le peuple de Côte d’Ivoire sera félicitée dans son ensemble. « Quelle maturité ! » s’exclame Koffi Patrice « voir deux hauts responsables de partis politiques dans un face à face historique échanger en tenant compte non pas de leurs intérêts personnels mais du pays ». Dans ce torrent de commentaires et surtout de mots d’admiration à l’endroit des deux leaders, la RTI s’en tire avec des félicitations particulières. « Pour la première fois depuis l’indépendance de notre pays je sens que notre télévision ne sert pas un politicien mais la Côte d’Ivoire. Bravo à la RTI qui est passé de son statut de chaîne des grands énervements à celui de chaîne des grands changements » souligne amusé Koua Bi Cédric.

Après le passage de Mr Ouattara et Mr Gbagbo c’est la détente ! Ce matin les violents slogans de campagne ont laissé la place à des échanges plus constructifs. En effet la campagne du second tour de l’élection présidentielle a été émaillée par des violences, des blessés et des morts. La psychose s’est donc emparée de toutes les couches sociales. On craignait le pire malgré les appels au calme du Ministère de l’intérieur. Ce matin l’atmosphère est plutôt détendue comme le témoigne les propos de cette ménagère au marché de Cocody : « C’est nous à la base qui nous battons, sinon en haut lieu les GRANDS se parlent et se connaissent ». Au moment où nous mettons en ligne ce billet, le RHDP d’Alassane Ouattara et le LMP de Gbagbo Laurent achevaient leurs derniers meetings dans différent quartier d’Abidjan.

Suy Kahofi


L’université Ivoirienne : « Les profs sont en campagne ! »

Difficile de trouver un enseignant sur le campus

Les amphithéâtres des Universités de Côte d’Ivoire sont pratiquement tous déserts. Les étudiants se contentent de finir leurs travaux dirigés et d’attendre. On flâne sur le campus sans but précis ou on rentre à la maison car les professeurs sont de plus en plus absents. La cause de ces absences répétées pour les élèves est toute simple : les enseignants sont en campagne ! La preuve certains viennent même sur les plateaux de télévision défendre leurs candidats à la présidentielle.

« Je me demande vraiment où va ce pays » s’indigne Coulibaly Assane avant de conclure « pour des élections on arrête d’enseigner et demain on viendra se plaindre que les masses ne sont pas instruites. Comment former une élite responsable quand nos devanciers préfèrent penser à leurs intérêts qu’à ceux du pays ? ». Comme lui, un nombre important de jeunes étudiants ne supportent pas cette situation de statut quo sur le campus. « Nous arrivons ici chaque matin et il n’y a personne : c’est comme ça depuis le début de la campagne ! L’éducation dans un pays est plus importante que la politique car sans personnes éduquées la politique elle-même ne peut pas se faire » souligne Traoré Sinaly. Les parents s’inquiètent également de cette situation. Kouakou Koffi Gérard est producteur agricole il estime que le politique doit inviter la jeunesse à prendre le chemin de l’école et non l’en détourner. « Les leaders politiques envoient des bus pour racler le contenu des amphis et les mêmes se plaignent après que les étudiants font de la politique : je ne les comprends pas ! C’est une forme de démission et de manque de civisme que de déserter l’Université pour se retrouver sur le champs politique !». En attendant que les complaintes des étudiants ne trouvent oreille attentive, les enseignants en grande majorité restent introuvables. Certains plutôt optimistes estiment que l’attente ne sera plus longue. « Pourquoi se lamenter ? On vote dimanche (28) et tout le monde sera de retour ! On accuse les enseignants mais nous mêmes étudiants nous sommes aussi en campagne. Alors faisons l’effort d’attendre le retour de nos chers enseignants » soutien avec un brin d’ironie Serge Kouakou.

Les Ivoiriens dans leur grande majorité sont convaincus que la Côte d’Ivoire retrouvera à coup sûr son train de vie normal seulement après la proclamation définitive des résultats de l’élection présidentielle.

Suy Kahofi


Que d’ANIMOSITE !

Les candidats au second tour doivent appeler leurs militants au calme

La Communauté Internationale doit-elle regretter d’avoir si tôt félicité la Côte d’Ivoire pour la bonne tenue du premier tour de l’élection présidentielle ? La question mérite d’être posée vu les évènements de ces dernières 72 heures à Abidjan. A peine l’ouverture de la campagne pour le second tour annoncée que les éléments du RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix) et du LMP (La Majorité Présidentielle) se sont opposés violemment à Cocody le quartier présidentiel. Une banale discussion entre jeunes « civilisés » vire au drame : une trentaine de blessés dont deux graves ! Loin de s’arrêter là, les échanges télévisés entre partis en lice pour le second tour contiennent plus de propos injurieux que de solutions réelles aux problèmes des Ivoiriens.Dans la rue les jeunes excités en partance pour les meetings profèrent des injures jusqu’en dessous de la ceinture des leaders aux nez des FDS médusés par tant de violence verbale. Il est tant de reprendre le chemin d’une campagne civilisée et respectueuse des valeurs humaines. Pourquoi changer radicalement ce pourquoi le monde nous a autant félicité ? Leaders de jeunesse et de la société civile doivent descendre dans la rue et convaincre les Ivoiriens qu’au-delà des enjeux de l’élection, il est important de penser à la Nation et surtout au processus de sortie de crise. Si l’Ivoirien se dit fatigué par 8 ans de crise et de souffrance, il doit être le premier à refuser la voie de la violence.

Il nous faut tenir juste 6 jours ! 6 jours importants pour ne pas céder aux vieux démons de la haine et de la division ! 6 jours et un vote final pour retrouver la paix et penser à la relance économique ! J’appelle donc le peuple Ivoirien à la maturité et au respect de la valeur première que nous a enseigné le Père Fondateur : la PAIX ! Tourner le dos à la violence nous garantira plus de respect et de considération dans le concert des Nations. La campagne est ouverte et se poursuit, nous avons encore le temps de passer de la violence à une campagne apaisée. L’appel est aussi lancé à l’ONUCI (Opération des Nation Unies en Côte d’Ivoire) pour multiplier les rencontres avec les leaders d’opinion mais surtout au CNCA (Conseil National de la Communication Audio-visuelle). Les médias publics d’information ne doivent pas être des moyens pour les protagonistes politiques de cracher leur venin mais des canaux pour convaincre le peuple.

Ivoiriens nous sommes adversaires politiques et non ennemis : sachons nous comporter en tenant compte de cette réalité !

Suy Kahofi


Enquête : Gérant de cabines cellulaires, genèse et évolution d’une profession

Un gérant de cabine sous son abris

Les origines de la profession

Les gérants de cabine téléphonique sont bien connus des Ivoiriens depuis plus d’une dizaine d’années. Si aujourd’hui ils sont bien visibles à tous les carrefours, cela n’était pas le cas  avant la vague de privatisation du secteur de la télécommunication. L’ex entreprise d’Etat ONT (Office Nationale de Télécommunication) avait développé un réseau de cabine à jeton pour permettre aux Ivoiriens de pouvoir communiquer à partir de 100 f CFA quelque soit l’endroit où ils se trouvaient. Le projet a vite échoué à cause la destruction en série des cabines : des voleurs armés de pied de biche et barre de fer faisaient le tour d’Abidjan pour éventrer les cabines et récupérer les jetions. Le projet a pris une autre tournure avec l’arrivée de la CI-Telcom : les cabines à jetons ont fait place à celles à cartes téléphoniques prépayées. En 1990 c’est la grande vague des privatisations ! La CI-Telcom ne répondant plus aux aspirations des Ivoiriens a cédé sa place à Côte d’Ivoire Télécom qui a décidé de libéraliser le secteur des cabines. Avec des recharges pour téléphone fixe à 100.000 f CFA, l’entreprise a permis à des privés de créer leurs propres cabines. Puis l’arrivée du portable cinq ans après a tout bouleversé ! Les cabines à téléphone fixe ont fait place aux cabines à téléphones portables ou cabines cellulaires pour utiliser l’expression propre aux Ivoiriens.

L’évolution de la profession

Deux expressions désignent les gérants de cabine : cabiniers ou cabinards ! Une toute petite poignée au début et aujourd’hui un nombre incalculable. « Au début de l’aventure nous n’étions pas aussi nombreux » souligne Sanogo Ibrahim gérant de cabine. « La minute de communication vers un portable coûtait 500 f CFA et ce n’était pas à la portée de tout le monde. C’est avec la chute des tarifs de communication et l’arrivée de nouveaux opérateurs mobiles que les gérants de cabines sont devenus si nombreux » conclu t’il. Au tout début de l’aventure du portable en Côte d’Ivoire un seul opérateur contrôlait le marché : l’entreprise Ivoiris qui par la suite devient Orange Côte d’Ivoire. Les communications étaient coûteuses et seuls quelques nantis avaient les moyens d’avoir une cabine. Après Ivoiris, suit l’entreprise Télécel qui deviendra MTN. « Avec deux entreprises la concurrence était ouverte les prix ont commencé chuter. Nous sommes passé de 500 f la minute de communication à 250 f » soutien Kouamé Jean Luc un autre gérant de cabine. Suivent d’autres opérateurs : Moov, Koz et Green qui viennent casser le prix des appels. Désormais c’est possible de communiquer à 100 f CFA dans une cabine et souvent même en dessous. Si à l’origine le gérant de cabine ne faisait qu’émettre des appels, ces activités se sont multipliées : ils transfèrent des unités et vendent aussi des recharges.

Rentabilité et concurrence

Au fil des années le nombre des gérants de cabine augmente. Malgré cette situation chacun semble tirer son épingle du jeu ! Les marges de bénéfice ne sont certes pas énormes si l’on s’en tient au pourcentage de 5 % sur un rechargement. Par exemple avec 10.000 f CFA de crédit d’appel un gérant peut se retrouver avec 500 f CFA de bénéfice. S’il s’arrange à utiliser les produits des quatre plus gros opérateurs ils se retrouvent à 2000 f CFA pour dix mille sachant qu’il peut multiplier son gain par six ou sept en fonction de son efficacité sur le terrain et surtout de l’affluence de la clientèle ! « Il serait malhonnête de dire que le gérant de cabine ne s’en sort pas avec son activité. Comme toutes les professions du monde il faut savoir gérer pour pouvoir s’en sortir » soutien Sam Guédé revendeur de crédit de communication. « Le gérant comme le client prépayé tire profit des fréquentes promotions au niveau du tarif de communication. Si le tarif chez l’opérateur baisse, il baisse le coût de l’appel pour avoir plus de clients. C’est ainsi que souvent on peut voir la communication à la minute passer de 100 à 50 voir 25 f CFA » conclu t’il.

Même si pour le moment les gérants de cabines téléphoniques s’en sorte, il faut reconnaitre que certains s’inquiètent de leur sort futur. « Aujourd’hui les tarifs de communication chutent et avec la concurrence que se livre les quatre opérateurs je crains que demain on ne propose aux clients des abonnements à prix réduit ou des forfaits mensuels alléchants. Dans ces conditions que deviendrons-nous ? » s’inquiète Boka Isidore gérant de cabine. En attendant que ce scénario catastrophe ne devienne réalité un matin, les gérants de cabine se frottent toujours les mains et contribuent à rendre possible les communications entre familles, parents et amis disséminés sur l’étendue du territoire national.

Suy Kahofi


Les petites activités des Campus Universitaire d’Abidjan

Sur les campus, petits magasins et résidence Universitaire cohabitent

Cocody Mermoz, Cité rouge, Campus Ancien, Port-Bouët, Cité Williamsville… dans toutes les cités universitaires d’Abidjan, les étudiants vivent au rythme des études mais aussi du petit commerce qui permet de joindre les deux bouts. Décorateur d’intérieur, cordonnier, commerçante de denrée alimentaire, opérateur de saisie, maître karaté, instructeur sportif…la liste des activités économiques des campus est longue et chaque étudiant tire profil en fonction de son sens d’organisation et de gestion.

Petits boulots : un mal nécessaire !

Les raisons qui poussent les étudiants à exercer une activité génératrice de revenu à côté des études divergent d’une personne à l’autre. Pour un nombre important d’étudiants les difficultés économiques des parents sont à l’origine du choix. « Je suis conscient des problèmes que mes parents ont pour gérer la scolarité des mes frères et sœurs. Aussi j’ai décidé de voler de mes propres ailes en assurant mes études par mais propres moyens. Avec mes économies j’ai acquis un ordinateur et je fais des saisies pour payer mes cours, louer une chambre et couvrir mes besoins » souligne Richard Kouakou. Pour certains étudiants le petit boulot ou gombo dans le jargon ivoirien permet juste d’assurer l’argent de poche : les frais d’étude étant déjà couverts par la famille. Il faut une bonne organisation pour réussir à concilier business et étude : un manque d’organisation peut permettre aux affaires de prendre le dessus sur les études ou vis versa ! Pour ceux qui ont choisi de vivre des petits boulots, ils ne se privent pas de profiter de la manne qu’offre les campus. On peut ouvrir sa boutique dans sa chambre d’étudiant, négocier un espace auprès du syndicat étudiant pour déposer sa cabine téléphonique ou encore louer un magasin quand vous avez les moyens.

Les avantages d’investir sur le campus

Sur le campus il n’y presque pas d’impôt : les propriétaires ne s’acquittent donc que des loyers et d’une prime mensuelle revenant au syndicat étudiant puisse que le commerçant se retrouve « sur leur zone d’exercice ». Si à l’origine les magasins étaient la propriété d’investisseurs versés dans les affaires, les étudiants leur livrent la concurrence de plus en plus. « Je pense que vu la rentabilité des activités les étudiants on décidé de se lancer pour gagner eux aussi. Sur le campus un simple opérateur de saisie peut facilement se retrouver avec 90.000 ou 130.000 f CFA chaque fin de mois ! Le gain est plutôt tentant » soutien Beugré Camille avant de conclure « les étudiants sont fatigués d’être des employés : ils veulent profiter de plein droit des ‘’richesses’’ des campus alors pour se faire ils s’investissent ».

Même dans les pays les plus développés du monde les gouvernements ne pourront pas permettre à tous les jeunes diplômés d’entrer à la fonction publique. Le secteur privé et surtout l’auto emploi sera donc la porte de sortie pour des millions de jeunes. Si en Côte d’Ivoire les étudiants arrivent à pratiquer des activités génératrices de revenus, cela peut leur ouvrir l’esprit pour monter à l’avenir leurs propres boites.

Suy Kahofi