7 juin 2016

Bienvenu au pays des voleurs de permis de conduire

L’alcool, la fatigue, la drogue…mais aussi le manque de formation sont à l’origine des accidents de la circulation (crédit photo : Rita Dro)
L’alcool, la fatigue, la drogue…mais aussi le manque de formation sont à l’origine des accidents de la circulation (crédit photo : Rita Dro)

Il ne se passe pas un seul jour sans que les images insupportables d’accident de la route n’inondent les réseaux sociaux. Des images chocs de corps sans vie et de blessés qui sont le fruit de la bêtise humaine.

La route en Côte d’Ivoire tue dit-on… Pourtant elle ne tient pas le volant ! Ceux qui tuent en réalité sont ces alcooliques et ces drogués au volant qui chaque année endeuillent de nombreuses familles. Au moment où vous parcourez ces lignes, vous avez certainement un membre de votre famille, un de vos amis ou une de vos connaissances victime d’un chauffard. Il s’agit sans doute de quelqu’un qui est dans le coma, qui se retrouve avec un membre fracturé, des doigts sectionnés ou une partie du corps qui ne répond plus aux ordres du cerveau ! Autant de vies brisées qui se convertissent chaque année en statistique de plus en plus inquiétantes. En 2015 en Côte d’Ivoire, les accidents de la circulation ont fait 7 836 victimes dont 689 morts. Il s’agit d’un chiffre en hausse puisqu’en 2014, 530 personnes ont perdu la vie sur les routes ivoiriennes. Les causes évoquées la plupart du temps sont hélas trop connues des Ivoiriens. Mauvais état de la route, alcool et drogue au volant, fatigue des chauffeurs et véhicules en mauvais état sont les principaux arguments avancés. Cependant, l’une des causes majeures des accidents de la circulation est rarement évoquée lors de la présentation annuelle des statistiques.

Des conducteurs pas très bien formés

La Côte d’Ivoire est un pays merveilleux… Merveilleux et à la fois magique car voici un pays où sans mettre les pieds dans une auto-école vous pouvez avoir votre permis de conduire ! Il ne s’agit pas d’une blague mais d’un phénomène qui existe depuis des années. Une véritable mafia appelé communément « circuit ». Un circuit pour obtenir un permis de conduire sans avoir vu le volant d’une voiture ! Ne vous y méprenez pas : tous ceux qui tuent ou blessent au volant ne sont pas tous des drogués ou des alcooliques. Une proportion importante sont bien lucides ! Soit le chauffard a obtenu son permis de conduire de façon frauduleuse soit il ne l’a même pas. Souvenez-vous de l’histoire de Malicka Guindo, finaliste Miss Côte d’Ivoire 2015 condamnée le 31 mars 2016 pour avoir tué un jeune homme de 24 ans alors qu’elle conduisait une voiture sans permis de conduire. La majorité des permis de conduire attribué aux chauffeurs en Côte d’Ivoire n’ont aucune valeur. Rien qu’à regarder le profil des chauffeurs, des doutes sérieux s’installent. Comment un chauffeur de gbaka* qui ne sait ni lire ni écrire peut-il décrocher un permis de conduire ? Comment un apprenti mécanicien qui n’a jamais mis les pieds dans une salle de classe est-il arrivé à apprendre le code de la route ?

La réforme du permis de conduire un pétard mouillé

La réforme du permis de conduire aurait dû être une opportunité unique pour assainir le milieu du transport et celui des détenteurs du précieux sésame. Car pour ceux qui l’auraient oublié, le permis de conduire est un diplôme. Et comme tout diplôme obtenu dans de mauvaises conditions, il finit tôt ou tard par trahir le corrompu. Hélas, le gouvernement ivoirien est bien plus obnubilé par l’argent qu’engendre la réforme du permis de conduire que par la volonté de débusquer les brebis galeuses. Au fond, et si cette attitude cachait quelque chose de plus profond ? En effet, il se raconte dans la capitale économique ivoirienne que ceux qui sont censés faire la police sont en réalité les barons de la mafia des permis de conduire volés ! Des cadres du ministère du transport à la tête de « circuits » visant à offrir au premier illettré qui se pointe un permis… non pas de conduire… mais un permis de tuer ! Ceux qui nous tuent chaque année sont des voleurs à cols blancs.

SUY Kahofi

Partagez

Commentaires