Simone Gbagbo : le procès bis !
L’ex-Première dame de Côte d’Ivoire va de nouveau se retrouver devant le juge ce 9 mai. Après une première condamnation aux assises, elle doit répondre de nouveaux chefs d’accusation.
20 ans. Voici la peine privative de liberté que Simone Gbagbo a écopée lors de sa première comparution devant la justice ivoirienne le 10 mars 2015. Aux côtés de plusieurs autres co-accusés, dont des barons du Front Populaire Ivoirien (FPI), elle était poursuivie pour plusieurs chefs d’accusation dont l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Ce premier procès devant la cour d’assises résulte du refus de l’Etat de Côte d’Ivoire de transférer Simone Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI) bien qu’ayant déjà « livré » Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Les deux hommes politiques sont actuellement jugés à La Haye.
Lors du premier procès de Simone Gbagbo, le seul plaignant était l’Etat de Côte d’Ivoire. Les présumés victimes et/ou témoins oculaires des faits documentés par l’accusation n’ont été entendus que pour aider la justice à faire éclater la vérité. Finalement, les témoignages, les aveux des accusés, les procédures et même le verdict de ce procès ont fait couler beaucoup d’encre et de salive ! La défense a notamment dénoncé un procès purement politique avec une « distribution » de peine. « Vingt ans, si ça repose sur des faits, sur des preuves, nous pouvons l’accepter. Mais ça a été fait à la tête du client. Si nous sommes abattus, ce n’est pas parce que ce sont des condamnations de vingt ans, c’est parce que le droit n’a pas été dit » a soupiré le 10 mars 2015 Me Mathurin Dirabou, l’un des avocats de l’ex-première dame.
Mais la défense n’est pas la seule à se plaindre de ce marathon judicaire aux conclusions très peu convaincantes. A titre d’exemple, l’ONG Human Rights Watch a dénoncé un procès « inéquitable », mais aussi « insuffisant », puisqu’il n’abordait que des crimes contre l’Etat et non contre les victimes. En retournant devant la cour d’assises pour une seconde fois, Simone Gbagbo n’est plus poursuivie pour les mêmes chefs d’accusation mais cette fois ci pour crime de sang.
Pour certains puristes du droit, la notion de crime de sang est une expression sans réelle valeur juridique. Cependant, elle est tombée dans les usages courant du droit pour qualifier certaines infractions passibles de la cour d’assises. Ces infractions impliquent bien entendu la mort d’une ou de plusieurs personnes. Dans le droit ivoirien, c’est le caractère crapuleux du crime qui est mis en exergue. Il peut donc être question d’un viol, d’un meurtre ou d’un assassinat. « Le procureur de la République contre Simone Gbagbo » sera de nouveau le titre de ce feuilleton judiciaire qui s’ouvrira ce 9 mai sauf changement de dernière minute. D’autant plus qu’initialement annoncé pour le 25 avril dernier, il a été reporté !
L’Etat de Côte d’Ivoire n’est peut-être plus la victime mais il est à l’initiative de cette nouvelle affaire. Cependant, la lecture de l’acte d’accusation permettra in fine de savoir si ce procès s’ouvre pour que la situation des victimes soit définitivement prise en compte par la justice ivoirienne. A ce niveau, les associations de victimes pourraient se constituer partie civile en ne fournissant pas seulement au procureur des témoins. Elles ont, grâce à ce nouveau procès, une occasion unique de se faire entendre et d’exiger des réparations. A moins que les seules réparations prévues soient celles du Fonds d’indemnisation des victimes mis en place par l’Etat début 2016.
Suy Kahofi
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