La chasse aux margouillats est ouverte !

25 novembre 2014

La chasse aux margouillats est ouverte !

Les margouillats guettent en silence les fonctionnaires en difficulté
Les margouillats guettent en silence les fonctionnaires en difficulté

Ils préfèrent bronzer devant les banques et autres établissements financiers publics ou privés. Ces reptiles qui ont des connexions un peu partout contournent le système des prêts officiels pour promouvoir des prêts usuraires, véritables fausses pour les fonctionnaires ivoiriens.

Le mot margouillat au sens figuré dans le jargon ivoirien ne désigne pas le reptile mais plutôt les usuriers dont la profession première consiste à prêter de l’argent avec des taux de remboursement exorbitants. Ceux-ci varient entre 50 et 100% en fonction de son affinité avec le prêteur. Cette activité est illégale mais elle est encore courante tant les différents Gouvernements qui se sont succédés depuis les indépendances ont littéralement fermé les yeux sur la pratique. Les margouillats sont la plus part du temps originaires du Mali et dans une moindre mesure du Burkina Faso. Par abus, on les appelle maracas mais ils ne sont pas tous de cette ethnie du Mali. Leur fortune est essentiellement basée sur les prêts usuriers et ils ne le cache pas. Dans chaque petite ville ivoirienne, il y a en a un ou plusieurs qui font vivre une économie bancaire parallèle mais très prospère. La raison est toute simple : il profite des problèmes financiers pour attirer leurs victimes dans un cercle vicieux. Lorsqu’on a déjà pris de l’argent avec un margouillat, il est difficile de s’en sortir !

Clément K. est fonctionnaire et confesse que pendant plus de trois (3) ans « il était esclave des margouillats ». Ayant perdu son père une semaine après l’intervention chirurgicale de son épouse, il a emprunté 800.000 f CFA à un taux usurier pour « enterrer dignement son père ». Il lui a fallu rendre le double du montant en acceptant de remettre sa carte magnétique au margouillat.

« A la fin du mois, il retirait ce qu’il voulait et je me contentais de prendre soin de ma famille avec ce qu’il acceptait de me laisser sur mon propre salaire » témoigne Clément.

Certains fonctionnaires ont la chance de s’en sortir, d’autres meurent à la limite sans un seul sous à cause des margouillats. Ils exercent toute une vie pour s’acquitter d’une dette avec des taux d’intérêt qui fluctuent au fil des mois. En effet plus celui qui emprunte met du temps à régler le prêt, plus les intérêts du margouillat deviennent important ! Si les margouillats sont devenus si influent dans le système économique ivoirien, c’est aussi parce qu’il bénéficie de complicité au sein des régies étatiques et des banques. Assis devant les banques du matin jusqu’au soir, ils sont informés des moindres opérations et savent « comme par magie » qui a des fins de mois difficiles ou qui a échoué dans sa démarche pour un prêt. Certains banquiers très amis aux margouillats n’hésitent pas à conseiller la piste des usuriers à leurs clients.

Seuls les banques et les établissements financiers officiels ont le droit de faire des prêts aux contribuables avec des taux clairement indiqués par les autorités en charge des questions bancaires et économiques. Pour le Gouvernement il est donc inconcevable que des hommes contournent le système économique officiel pour promouvoir un système officieux ruineux à la fois pour le contribuable, les établissements financiers et l’Etat. Le Gouvernement Ivoirien a donc décidé de déclarer la guerre aux margouillats. Depuis le 30 octobre 2014, l’Assemblée Nationale a adopté à l’unanimité un projet de loi portant « répression de l’usure ». Cette loi interdit désormais la pratique de l’usure et permettra de mieux protéger les Ivoiriens trop souvent à la merci des margouillats. L’article 7 du projet de loi annonce les couleurs pour ce qui est de la répression. Des peines privatives de liberté de 2 mois à 2 ans et des amendes de 100.000 à 5.000.000 f CFA sont prévus pour toute personne qui aura consenti à autrui un prêt usuraire directement ou indirectement. En cas de récidive, la peine privative de liberté sera portée à 5 ans et l’amende pécuniaire à 15 millions.

Une chose est d’adopter un projet de loi et une autre est d’œuvrer à son application. En effet les margouillats rodent toujours autour des banques et établissements financiers jouissant toujours des mêmes soutiens. Le plus important sera donc d’assainir les milieux financiers et en punissant au même titre usuriers et facilitateurs du système mafieux des margouillats.

SUY Kahofi

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