Corruption : la police nationale ivoirienne toujours à l’heure du racket
La corruption est bien le premier cancer socio-économique dont souffre la Côte d’Ivoire et l’un des corps de métier qui semble en souffrir le plus (ou en faire la promotion) est pour de nombreux Ivoiriens la police. Enquête !
Lors de l’enquête qui a précédé la rédaction de cet article, 7 Ivoiriens sur 10 interrogés ont estimé que la police est le corps le plus corrompu de l’armée et de la Côte d’Ivoire ! A tort ou à raison, de nombreux Ivoiriens la jugent en déphasage avec ses missions premières. En effet, la police ivoirienne se donne pour mission de veiller à l’application des lois et d’assurer la protection des personnes et des biens. Elle fait du renseignement et le maintien de l’ordre. Ces missions que nous qualifierons de nobles sont occultées par la corruption ouverte des hommes en kaki. Celle-ci ternit encore plus l’image du pays, car la corruption de la police nationale est celle à laquelle les populations sont directement exposées au quotidien.
Le Cfa au-dessus du civisme
Le champ privilégié de chasse de la police est le bitume. C’est ici que les policiers se livrent à tous leurs abus. A titre d’exemple, les agents commis à la circulation ne cessent au quotidien d’inventer des infractions juste pour soutirer de l’argent aux automobilistes. Parmi les infractions qui donnent de l’argent rapide comme au PMU figure le stationnement interdit à un feu qui pourtant est au rouge, le dépassement interdit alors que vous roulez seul sur la voie sans oublier le plus que célèbre mauvais chargement quand bien même le fanion indiquant l’excédent de charge est posé de façon évidente ! A cela s’ajoute les radars qui sont positionnés à des endroits formellement interdits quand ils ne sont pas inexistants. A Abidjan les pentes, côtes et autres virages sont les espaces choisis par les agents indélicats pour soutirer de l’argent aux automobilistes. En effet il serait impossible, même à une voiture intelligente de ne pas monter une côte, négocier un virage ou descendre une pente sans prendre de la vitesse ! Un racket des automobilistes si bien structuré depuis des années qu’il semble ne plus déranger. Des montants de 500 F, 1000 F ou 2000 F Cfa…cet argent soutiré aux citoyens est souvent remis sans une contravention ou même une preuve que l’argent a été bien remis à un agent des forces de l’ordre.
« Lorsque qu’après le constat d’une infraction, l’agent de police immobilise votre véhicule, il vous dira par exemple que son « collègue qui a la souche de la contravention est absent ! » Il vous fait perdre inutilement le temps pour vous amener à prononcer cette phrase que tous les policiers ivoiriens affectionnent : « Chef on fait comment ? » Il sait alors que vous avez l’intention de négocier pour regagner votre lieu de travail » nous indique en fin connaisseur M Koffi Kouadio Alain, responsable d’une PME froid et climatisation.
Cette attitude pousse aujourd’hui de nombreux véhicules de transport en commun à circuler sans aucune pièce administrative, et même l’assurance. Des clando’ qui mettent la vie des honnêtes citoyens en danger avec la bénédiction des policiers. Pour en savoir plus sur cette pratique nous nous rendons à la gare de gbaka d’Adjamé et celle de wôrô-wôrô de Treichville. Coulibaly H, un chauffeur nous indique clairement que « les chauffeurs payent une substantielle somme aux policiers » pour circuler librement toute la journée.
« Lorsque je suis arrivé dans le transport cette pratique existait déjà ! Je ne sais pas qui a ces pièces et qui ne les a pas, mais je suppose que si vous vous acquittez de la somme que les policiers veulent vous, pouvez rouler tranquillement » nous indique H Coulibaly.
Tout semble donc expliquer l’incivisme des chauffeurs des véhicules de transport en commun sur nos routes. Les agents de police semblent ne rien voir des nombreux stationnements interdits, de l’absence de rétroviseurs et autres feux sur les véhicules sans oublier les dépassements dangereux que réalisent les chauffeurs de gbaka et wôrô-wôrô.
Un combat de David contre Goliath
La politique nationale de lutte contre la corruption prend en compte la question du racket et de l’incivisme au sein de la police nationale. La preuve de nombreux policiers indélicats ont été traduit devant le tribunal militaire et jetés en prison. Des exemples pour redresser les brebis galeuses, des exemples que la population salue, mais qui ressemblent plus à un coup d’épée dans l’eau ! Pour un seul policer derrière les barreaux, ce sont des centaines qui continuent de soutirer injustement de l’argent aux citoyen dans les rues.
« Je pense personnellement que la question du racket et généralement la corruption au sein de la police est avant tout une question de mentalité. Tant que les policiers seront convaincus qu’ils ne font pas de mal, le racket continuera. Par contre, si chaque policier comprend qu’il fait du mal au citoyen en donnant dans le racket, les choses changeront » nous explique M. Koné F. R. sociologue.
Pour guérir du racket, la police doit reconnaître qu’elle est malade. Cela implique un engagement de la hiérarchie dans l’assainissement du corps. Les bruits de corruption lors du concours d’entrée à l’école de police doivent être dissipés et les éléments (officiers et sous-officiers) plus instruits sur les questions touchant au civisme, à la protection des droits de l’homme et au respect du citoyen. Un policier soucieux du bien-être de ses compatriotes ne les escroque pas, mais aide à les protéger contre toutes les formes d’abus. C’est seulement en tournant le dos à la corruption et au racket que la police pourra véritablement assurer sa mission qui consiste à veiller à l’application des lois et assurer la protection des personnes et des biens.
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