Banques : pourquoi certains ivoiriens en ont peur ?

La Côte d’Ivoire à l’image de la majorité des pays d’Afrique de l’Ouest a un taux de bancarisation plutôt faible. Selon les chiffres officiels, 14% en 2011, et celui-ci s’améliore chaque jour avec l’esprit de la relance économique. Malgré cet état de fait, de nombreux Ivoiriens sont toujours réticents à l’idée de déposer leurs économies dans une banque.
La première raison qui semble justifier cette réticence est sans nul doute la pauvreté de certaines couches socio-professionnelles. Les nombreux retards dans les règlements des salaires, la précarité de l’emploi et des fins de mois incertaines ne favorisent pas l’épargne. « Mes responsables ne me payent pas ! Je peux faire quatre ou cinq mois avant de toucher une partie de mes arriérés. Lorsque j’ai cet argent entre les mains j’ai tellement de dette à régler que je n’ai plus rien pour penser à un compte bancaire » , explique Bamba Adama, vigile.
Il est vrai que la pauvreté est un argument qui éloigne les Ivoiriens de leurs banques mais pour une grande majorité c’est l’attitude peu commerciale de certaines banques qui oblige les Ivoiriens à les bouder. Mauvais accueil, indiscipline des travailleurs, horaire d’ouverture et de fermeture des guichets jamais respectés…Autant de désagréments auxquels s’ajoutent des difficultés administratives pour toucher son épargne. « Lorsque vous ouvrez un compte, il n’y a aucun problème mais quand il s’agit de récupérer votre argent, on vous demande un tas de documents avant de vous donner vos sous. On vous fait traîner de guichet en guichet. Très sincèrement, les banques déconnent ! », affirme Mme Ta Virginie, femme d’affaire.
Cette situation d’indisponibilité de la liquidité favorise la création des tontines qui selon les adhérants favorise une circulation plus rapide de la liquidité sans oublier sa disponibilité. Mariam Sanogo est commerçante, quand bien même elle reconnaît l’importance d’une banque elle préfère largement les tontines. « La banque c’est bien mais tu n’as pas ton argent quand tu veux. Il y a trop de bavardages : les machines ne fonctionnent pas, il n’y a pas de liquidité, vous devez remplir tel ou tel document. Avec les tontines l’argent tourne entre les adhérants », explique la commerçante. Chaque semaine Mariam Sanogo ou l’une de ses amies touche 300.000 f CFA et elle juge ce système d’épargne informel plus efficace que les banques.
N’allons pas pour autant croire qu’en Côte d’Ivoire tout le monde a décidé de garder son argent dans un canari à la maison, sous un matelas ou encore dans un coffre fort. Certains Ivoiriens, majoritairement les jeunes, préfèrent épargner malgré le caractère modeste de leurs revenus. « Un compte en banque c’est important. Quelque soit ce que tu gagnes il faut penser à demain. Je suis cordonnier et je fais confiance à ma banque. J’y dépose mes économies car comme on le dit c’est en déposant 5 f qu’on fini par constituer un bon capital pour garantir un lendemain meilleur », soutient Koudoubléka Franck.
A écouter Koudoubléka Franck, l’espoir est permis mais une question se pose : comment ramener les Ivoiriens vers les banques ? Pour l’inspecteur Kra, ancien cadre de banque, la réponse est toute simple. L’heure est venue pour les établissements financiers de changer de comportement et d’avoir plus d’estime pour la clientèle. « Vous pouvez facilement perdre 30 minutes dans une banque juste pour un retrait. C’est souvent la liquidité qui fait défaut ou les appareils qui ne fonctionnent pas. Nous prions que le système bancaire Ivoirien soit plus huilé pour éviter tous ces désagréments à l’avenir », explique Mr Kra. A ce nouvel esprit, s’ajoute le recadrage des activités du système bancaire en vue d’attirer les capitaux des épargnants. Jean-Luc Olivier Akoto, directeur général de BICI-BOURSE, explique que ce mécanisme consiste « à aspirer les fonds du secteur informel vers le secteur formel ». Les banques doivent pouvoir faire de l’ombre aux tontines et aux systèmes de collecte de particulier à particulier en proposant des services innovants.
Les banques Ivoiriennes peuvent encore se lancer dans une opération de charme en vue d’attirer plus d’épargnants. Elles ont les atouts et les armes qu’il faut, à elles de savoir opérer une réelle mue pour séduire ceux qui sont toujours retissant.
SUY Kahofi
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