Côte d’Ivoire – Faut-il mettre fin au syndicalisme étudiant ?
Les Universités Ivoiriennes ont rouvert leurs portes le 3 septembre 2012 et celles-ci fonctionnent malgré quelques réglages à finaliser.
Les cours ont repris dans une nouvelle ambiance, un nouvel esprit marqué par la signature de la charte de bonne conduite de l’étudiant. Il s’agit d’une « profession de foi » à travers laquelle les étudiants s’engagent à renoncer à la violence et à préserver un esprit civique sur les campus.
Pour les autorités Ivoiriennes cet engagement doit réellement se faire sentir sur le terrain car les étudiants n’ont pas été de tout temps des enfants de cœur ! Les syndicats étudiants ont délaissé les campus pour devenir le bras armé des mouvements politiques radicaux proches de l’ancien pouvoir.
Ainsi la toute puissante Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) s’est muée discrètement en Galaxie Patriotique, en GPP (Groupement des Patriote pour la Paix) ou COJEP (Congrès de la Jeunesse Panafricaine). De plus la FESCI s’était imposée comme le gestionnaire tout puissant de l’école Ivoirienne avec des dérives. « A l’époque vous aviez peur quand vous devez venir à l’Université ! Pour un rien « les camarades* » pouvaient vous battre à mort et vous dépouiller.
« C’était plus une petite armée qu’un syndicat étudiant », se souvient Marthe N’goran étudiante en lettre moderne à l’Université de Cocody. La FESCI qui faisait de l’ombre aux autres organisations estudiantines est taxé d’avoir introduit la machette et les armes à feu comme mode de dialogue sur le campus.
« On ne se sentait plus en sécurité parce que ceux qui étaient sensés nous défendre, porter notre voix auprès de l’administration et du ministère étaient devenus nos bourreaux », souligne Coulibaly Ismaël étudiant en sciences-économiques.
Yapo Anselme a été membre de la FESCI. Il reconnait que le syndicat étudiant a dévié mais cela est en grande partie « le fruit de la corruption des leaders par les politiciens et leur soif d’enrichissement par toutes les formes de magouilles sur le campus ».
Malgré ce passé sombre du syndicat étudiant, Yapo Anselme, Marthe N’goran et Coulibaly Ismaël comme la quasi-totalité des étudiants estiment que l’Université ne peut exister sans un syndicat étudiant.
Alors si les syndicats étudiants doivent continuer d’exister, quel doit être leurs nouveaux visages ? Charles Roméo Ibrahim étudiant inscrit en licence de Gestion estime que « les nouveaux syndicats étudiants doivent renoncer à la violence, lutter pour les étudiants et non pour l’enrichissement des leaders syndicaux. Ces syndicats ne doivent pas s’allier aux partis politiques mais se consacrer à l’amélioration du cadre de vie de l’étudiant ».
Mme Koffi Anne qui est mère de famille avec deux enfants à l’université estime pour sa part que la liberté de militer dans un syndicat est un droit pour tous les étudiants. L’Etat Ivoirien ne peut en aucun cas leur priver de ce droit ! Néanmoins, Mme Koffi pense que l’élément le plus important pour sauver l’université ivoirienne et éviter qu’elle ne redevienne un champ de bataille c’est « une plus grande maturité de la part des étudiants ».
« Nos enfants doivent comprendre qu’ils sont là pour leurs études et non pour les bagarres, les meetings politiques sur le campus, cacher des armes sous leurs lits, vendre la drogue ou se prostituer ! Ils doivent prendre un nouveau départ pour être utile demain à ce pays ».
En affichant cette maturité, l’Université Ivoirienne sera de nouveau l’antre du savoir et non de la délinquance et cette position est celle qu’épouse l’enseignant Victorien AKA. « Si les étudiants se positionnent comme des êtres faibles et faciles à manipuler, les politiciens n’hésiteront pas à les utiliser. Par contre s’ils sont forts et indépendants, personne ne pourra les manipuler ».
Les étudiants sur le campus, malgré un arrêté inter-ministériel interdisant la création des syndicats étudiants, ont déjà fait émerger un nouveau syndicat. Il s’agit de la CEECI (Comité des Elèves et Etudiants de Côte d’Ivoire) qui s’est déjà signalé en paralysant les cours pour des revendications jugées utiles par les étudiants. Celles-ci portaient sur l’absence de latrines, de climatisation et de micro pour les amphithéâtres, l’inexistence d’abri de bus et d’espace de restauration adéquats.
Ce mode de revendication sans violence a permis à la CEECI d’empocher le Prix de la Pacification Universitaire d’une valeur d’un million de francs CFA. Ce prix initié par l’Université Alassane Ouattara de Bouaké est une sorte de stimulation et de motivation pour aider les étudiants à persévérer et à cultiver l’apaisement et la sagesse au sein de l’Université. Il s’agit également d’amener les étudiants et les syndicats d’étudiants à tourner le dos à la violence et au syndicalisme destructeur pour promouvoir un climat de paix.
Le CEECI a reçu son prix des mains du président de l’Université Alassane Ouattara (l’UAO) le Professeur Lazare Poamé et de la Directrice du Centre des Œuvres Universitaires (CROU). Konaté Moussa le président du CEECI a exprimé sa reconnaissance à l’administration de l’Université Alassane Ouattara de Bouaké et dédié ce prix aux représentants des organisations sœurs (syndicats étudiants) et à l’ensemble des étudiants de Côte d’Ivoire pour leurs efforts consentis dans la pacification de l’Université Ivoirienne.
Au-delà de la joie, les militants du CEECI sont conscients que ce prix est une nouvelle responsabilité, un appel à mieux faire ! Pour Konaté Moussa « il ne s’agit plus de baisser la garde ou de faiblir dans le processus de pacification de l’Université Ivoirienne », il faut se battre au quotidien pour le maintien de la paix, de la stabilité et d’un syndicalisme irréprochable dans l’espace universitaire. La FESCI quant à elle signe timidement son retour avec une succession de rencontres en vue de regagner la confiance des acteurs de l’Université Ivoirienne.
SUY Kahofi
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