Pourquoi certains Ivoiriens boudent les banques ? (acte I)
La bancarisation est le pourcentage de la population qui utilise les services de banque dans un pays. Plusieurs pays d’Afrique de l’ouest affichent un taux de bancarisation très faible. Les populations préfèrent largement l’utilisation des moyens de paiement fiduciaires au détriment des moyens scripturaux dans les transactions. Bien que ce système représente un véritable risque sécuritaire dans certaines situations, les populations préfèrent largement se déplacer avec d’importante quantité de billets de banque et de jetons qu’un simple chèque ou une carte magnétique ! Cette manière de procéder dans les échanges fait que dans les sept pays de l’espace UEMOA que sont le Benin, le Burkina Faso, la Cote d’ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Sénégal et le Togo ; le taux de bancarisation est estimé à ce jour à moins de 10% ! Pour être plus précis sur les chiffres, le taux de bancarisation dans l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) oscille entre 3 et 7% alors qu’il avoisine 99% dans certains pays et se situe autour des 50 voir 60% dans la région du Maghreb. Vu ce constat une question mérite d’être posée : pourquoi les populations ouest-africaines boudent les banques ? Intéressons-nous au cas de la Côte d’Ivoire avec un taux de bancarisation à 4,4%. Comme vous allez le voir, la pauvreté, le chômage et les salaires insignifiants depuis plus de 20 ans ne sont pas les seules raisons qui expliquent la méfiance des Ivoiriens vis-à-vis des banques.
« La politesse ne coûte pas un filagramme ! »
Hiérarchisons les griefs des populations pour mieux comprendre ce qu’elles reprochent aux banques. Sur l’accueil, rares sont les Ivoiriens qui sont satisfaits de leur contact quotidien avec les banques. C’est à peine si les caissières ont du respect pour le client ! « Dans une banque c’est seulement le jour où vous ouvrez un compte que les agents ont du respect pour vous. On vous félicite du choix de la banque, tous les sourires pour vous, on vous gratifie des conseils pour faire fructifier votre argent…et après…bonjour la guerre ! » nous explique Mr Kouakou un instituteur. Notre interlocuteur n’a pas tord car lors de notre enquête il nous a été donné de constater des attitudes très désinvoltes envers les clients. A Cocody Riviera 2, c’est à l’intérieur de la banque que le personnel prenait son petit déjeuné au moment où des pères et mères de familles attendaient patiemment sur les bancs. Quelques minutes plus tard c’est un jeune cadre en colère qui réclame l’intégralité de ces économies pour des propos jugés offensants proférés par une caissière. Au bonjour que le client lance poliment, c’est à peine si l’agent à le courage de le regarder avant de répondre. Que dire de l’insolence des jeunes caissières et assistantes qui une fois le client en face sente monter en elles le zèle de l’arrogance. « Je ne sais pas si la politesse, le respect et la considération pour le client coûte quelque chose aux banques ? Je me pose la question parce que j’ai l’impression que c’est trop demander aux agents des banques » se demande David N’guessan. « Ce qui me choque c’est qu’on nous manque de respect pour notre propre sou et je suis surpris que les mêmes agents soient toujours à leurs postes. Pour des entreprises qui veulent attirer de la clientèle c’est une drôle de manière d’agir » s’indigne Mme Koné Karidja.
« Ils ouvrent à quelle heure finalement ? »
Après les règles de politesse et de savoir vivre qui semblent ne pas exister dans les banques, c’est le service qui laisse à désirer ! Sur la note à l’endroit de la clientèle à l’entrée de la banque, celle-ci ouvre à 9 heures mais en réalité toutes les banques ne sont opérationnelles qu’après 10 heures. La raison est toute simple : c’est à 9 heures que les travailleurs se pointent. Il faut laisser le temps aux techniciens de surface de balayer et de ranger les bureaux : il est 9 h 30 mn. Vient le ravitaillement des caisses avec les premières causeries de la journée : nous sommes à 10 heures ! A ce niveau le client doit prier pour ne pas qu’on lui sorte cette phrase que personne n’aime entendre : « il y a un problème de réseau ». A Abidjan ne vous avisez jamais à programmer un passage à la banque avant un rendez-vous important : vous risquez d’arriver en retard ! Si c’est un malade que vous voulez sauver d’une mort certaine il va falloir encore prier pour que la plus rapide des caissières soit à son poste. Les heures de fermeture qui figurent sur les notes à la clientèle ne sont pas aussi respectées dans plusieurs agences.
Horaire et savoir-vivre dans ce premier acte. Dans le second nous parlerons largement de la publicité mensongère et du fléau des ponctions et frais d’entretien de compte inexplicables.
SUY Kahofi
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