Grève des gbaka : les raisons d’une grogne peu suivie

Article : Grève des gbaka : les raisons d’une grogne peu suivie
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15 novembre 2012

Grève des gbaka : les raisons d’une grogne peu suivie

La grève des gbakas aura occasionné des désagréments énormes aux abidjanais

En Côte d’Ivoire on a toujours eu l’habitude de voir des mouvements de grève dans les transports pour des problèmes de bavure policière ou de hausse du prix du carburant. Pour la toute première fois dans le pays un désaccord entre syndicats occasionne un « véritable » mouvement de grève.

La grogne des transporteurs qui a paralysé la capitale économique Ivoirienne est un face à face de longue date entre les syndicats des chargeurs et ceux des chauffeurs de mini-car appelés communément Gbaka. Au cœur du conflit social des taxes trop élevées et l’anarchie qui règne au sein des syndicats de chargeurs. Syndicats des chargeurs, Syndicats des chauffeurs deux entités qui semblent en apparence coupées l’une de l’autre mais qui fonctionnent avec les mêmes membres, les mêmes. « Ceux qui chargent les véhicules sur la route qu’on appelle communément Gnamboro sont tous des chauffeurs et des apprentis. Lorsque tu ne roules pas tu viens au bord de la route pour charger les gbaka parce que l’argent que tu gagnes au volant tu ne peux pas le dépenser quand tu ne travailles pas. Chauffeurs, apprentis, chargeurs….c’est la même famille, nous partageons ce que nous gagnons à la fin de la journée. Tous ceux que tu vois ici sont des chauffeurs : ils peuvent tous te montrer leurs permis de conduire » nous explique Siro un responsable des chargeurs du carrefour de la Riviera II. Bahi est responsable des chauffeurs à la gare routière d’Adjamé ; il confirme cette rotation des acteurs et cette organisation particulière du transport à inter-urbain. « Oui je confirme que certains chauffeurs et apprentis deviennent chargeurs lorsqu’ils ne sont pas dans leurs véhicules. Lorsque ces chauffeurs ne sont pas en bordure de route pour charger les véhicules, ils autorisent d’autres personnes – qui ne sont ni chauffeurs, ni apprentis – pour faire ce job à leur place. Ces personnes qui n’ont rien à avoir avec le transport sont celles qui posent problème. Ils sont agressifs envers les chauffeurs » conclu Bahi. Les lignes de transport inter-urbain sont donc gérées par des syndicats et par des acteurs qui se connaissent !

On estime à ce jour qu’au bas mot 3000 à 5000 jeunes ivoiriens vivent directement du fruit de l’argent prélevé sur chaque chargement de mini-car au départ des grandes gares routières d’Abidjan. Si chargeurs, chauffeurs et apprentis appartiennent tous aux mêmes syndicats d’où vient donc cette soudaine grogne qui a fait doubler le prix du transport en moins de 24 heures ? Dembélé Lassinan responsable des chargeurs sur la ligne inter-urbaine Abidjan-Bingerville, il dénonce une manipulation. « Ceux qui sont passés à la télévision pour inviter les chauffeurs à observer un arrêt de travail ne sont ni chauffeurs, ni apprentis, ni chargeurs ! La tête de fil de ce mouvement de contestation est un agent de sécurité bien connu dans la commune d’Adjamé et qui n’éprouve aucune honte à racketter nos mères au marché. C’est lui qui a tenté de semer la discorde mais le mouvement n’a pas été suivi. La preuve lorsque certains chauffeurs se sont arrêtés les autres ont continué de travailler ». Dembélé estime que les Ivoiriens connaissent les mouvements de grève dans les transports. Ces derniers occasionnent une paralysie totale des activités dans tout Abidjan ! Chacun peut donc comprendre aisément que cette grève « n’avait rien de sérieux ». Une manipulation au cœur de cette dernière grève ? C’est possible ! Siro, le responsable des chargeurs du carrefour de la Riviera II voit le problème sous l’angle purement matériel. Une recherche effrénée du gain et de l’argent facile est à l’origine de l’arrivée des parasites autour des syndicats. « Aujourd’hui l’univers des gnamboros est semblable à une mafia ! Chacun veut se faire de l’argent, chacun veut se trouver une petite place sur la route et greffant à l’organisation une nouvelle branche. Lorsque les anciens s’opposent, les nouveaux venus sèment la discordent ! Tout est une question d’argent ». Pour contrer ces fauteurs de trouble, Bahi qui est chauffeur estime qu’une organisation sérieuse sur les gares routières peut aider à une meilleure compréhension entre chargeurs et chauffeurs et surtout aider à améliorer le climat dans l’univers du transport. « Tout dépend des gares, tout dépend des communes ! Si vous voyez qu’à Cocody le mouvement n’a pas été suivi c’est parce que les chargeurs et chauffeurs ont rapidement trouvé un terrain d’entente. A Yopougon par exemple les choses sont différentes » nous explique Bahi.

La grande leçon de ce mouvement de débrayage dans les transports à Abidjan est donc la nécessité pour les syndicats qui gèrent le transport de s’entendre et de mieux s’organiser pour éviter que les parasites ne paralysent une activité qui fait vivre des milliers d’ivoiriens.

SUY Kahofi

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