Côte d’Ivoire : ces funérailles grandioses qui appauvrissent
En Côte d’Ivoire, l’organisation des funérailles est une affaire de gros sous. Chaque année, se sont des millions de francs CFA que nos compatriotes enterrent avec les défunts pourtant, quelques billets auraient suffi pour sauver la vieille mamy du village qu’on pleure (ou célèbre) à coup de casiers de vin.
La discussion est vive ce matin devant la banque : Moktar et son clan de margouillats (usuriers) n’entendent pas laisser partir ce jeune fonctionnaire qui doit plus d’un million à ‘‘la famille’’. Une multitude de cartes de crédit en main, le chef des usuriers, noir de colère, n’hésite pas à lancer cette phrase haut et fort pour que les passants l’entendent sûrement : «Vous prenez l’argent des gens pour enterrer vos parents et pour régler ça devient problème ! ». Le jeune fonctionnaire, un enseignant de lycée, ne peut lever la tête: les injures et les propos obscènes de toutes sortes s’abattent sur lui. Il n’est malheureusement pas le seul Ivoirien dans cette situation : ils sont nombreux à crouler aujourd’hui sous le poids des dettes contractées auprès des banques et usuriers pour l’organisation des funérailles d’un parent.
Le pourquoi des funérailles grandioses
Quand un parent meurt en Côte d’Ivoire, l’objectif c’est de l’enterrer dignement. Or, chez la majorité des tribus ivoiriennes, des vraies funérailles ne s’organisent pas à la hâte : le corps prendra le temps qu’il veut à la morgue, il faut que tout le monde soit prêt pour rallier le village ! Un corps à la morgue coûte selon les hôpitaux entre 10.000 et 25.000 f CFA par jour hors entretien. Certains corps passent souvent plus six mois dans le casier le temps que les enfants benguistes (immigrés) du défunt ne rassemblent l’argent du djossi pour la phase pratique des funérailles. L’achat du cercueil suit : entre 150.000 et 500.000 f et surtout la tombe qui peut aller au-delà des 1,5 million selon le look ! « Les funérailles grandioses, c’est une question d’honneur ou de dignité pour l’Ivoirien. Tout le monde veut aller au-delà de ce qu’un tels ou un tels à fait pour un parent » souligne Gnahoré Jean, éducateur, avant de conclure : « et quand on veut des vrais funérailles, c’est beaucoup d’argent qu’on jette par la fenêtre ». Alors, pour ne pas avoir honte au village ou pour éviter d’être une proie pour les sorciers, on s’endette : achat de bœuf, nourriture et alcool pour tout le village sans compter la location des cars et l’hébergement des invités !
Le contrecoup
C’est vrai que la solidarité africaine joue dans malheur et surtout pour la mort mais dans la majorité des cas, beaucoup de personnes se retrouvent ruinées pour avoir conduit un parent à sa dernière demeure. Des millions pour enterrer une veuve morte de fièvre typhoïde : la petite ordonnance de 45.000 f est vite oubliée devant le faste des funérailles. Qui aurait cru que cette pauvre femme était la mère de ce cadre de la santé ? « Il faut que l’Ivoirien comprenne que la chose la plus importante c’est d’aider un parent à vivre. Quand on est malade on ne voit personne mais quand on passe de l’autre côté c’est des millions qu’on dépense pour vous accompagner : il faut changer de mentalité », soutient Yapo Ulrich.
SUY Kahofi
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