30 mai 2012

Abidjan: Le chômage vu de la rue

Affiche d'un chauffeur en quête d'emploi

DISCOM, DESS, Licence… les diplômes ne manquent pas mais tous sont confrontés au même problème : celui du chômage. Les jeunes Ivoiriens sont livrés à eux-mêmes. Certains sombrent dans la violence pendant que d’autres sont obligés de se rabattre sur les petits métiers pour joindre les deux bouts. Que pense l’ivoirien du chômage criard auquel son pays  fait face ? Elément de réponse dans cette enquête.

En Côte d’Ivoire le taux de chômage de la population active s’élève à 15,7 % selon les statistiques. Le chômage touche un nombre important de personne notamment les jeunes et la situation ne s’est pas améliorée avec la crise post-électorale que le pays vient de traverser. Les autorités conscientes qu’un nombre important de désœuvrés constitue une bombe sociale tente de trouver des mécanismes pour résorber le problème du chômage des jeunes.

Les jeunes : première victimes du chômage

4.500.000 voici officiellement le nombre de chômeurs que compte la Côte d’Ivoire et sur ce chiffre assez inquiétant il faut compter plus de 3 millions 800 milles jeunes. Le chômage est donc la plaie qui gangrène le vécu des jeunes Ivoiriens qui au fil des 20 dernières années marquées par les crises militaires à répétition et les querelles politiques ne savent plus à quel saint se vouer. « Aujourd’hui vous ne pouvez pas vous imaginez combien de jeunes Ivoiriens sont bardés de diplômes. Certains sont même allés étudier à l’étranger et sont revenus avec un bagage intellectuel et des qualifications utiles pour ce pays ! Pourtant nous sommes tous frappés par la même maladie : le chômage » constate Koffi Arsène un ancien étudiant de la faculté de Droit de l’Université de Cocody-Abidjan. Selon les jeunes du pays, le manque d’entreprises est l’une des premières causes du chômage et cela s’explique par un manque réel de volonté politique de la part des gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays. « Sous le règne du Président Houphouët, la Côte d’Ivoire avait des grandes entreprises de type SODE (Société d’Etat). Ces dernières offraient du boulot aux jeunes diplômés et des activités pour les ouvriers à la base. Toutes ces entreprises ont été privatisées avec des réductions drastiques de la main d’œuvre. Certaines d’entre elles n’existent plus et rien n’a été fait pour les remplacer ! » s’indigne Konaté Issa un informaticien. La Côte d’Ivoire avec la conjoncture et les nombreux plans d’ajustement structurel a dû se séparer de plus 14 sociétés d’Etat plongeant des millions d’ivoiriens dans une pauvreté totale. Les jeunes ne manquent pas de pointer du doigt le rôle des politiciens qui pendant ces vingt dernières années ont instrumentalisé la jeunesse. Les jeunes Ivoiriens ont voué un culte à la facilité convaincu qu’il fallait s’engager en politique pour réussir ! « Nos ainés nous ont transformé en mendiants politiques nous obligeant à batifoler d’un parti à l’autre juste pour un tee-shirt et un plat de riz. Toujours la même rengaine : soutenez-moi et quand je serais au pouvoir il y aura des emplois pour vous. Nous avons battu le pavé, nous sommes battus, certains sont même mort pour quel résultat ? » se demande Yao Kouassi diplômé au chômage. Et son ami Minigou Aboubacar de renchérir. « Regardez un homme comme Charles Blé Goudé qui passé toute son existence à l’université et qui a eu des études bâclées ? Grâce à la politique il est devenu milliardaire ! Comment les jeunes ne seront pas tentés par la politique ? « . Aboubacar estime que les jeunes n’ont de vrais exemples de réussite dans ce pays et que tout est fait pour les maintenir les jeunes dans la pauvreté pour mieux les exploiter. La Côte d’Ivoire a également une réputation de pays où l’éducation est au rabais. L’absence de structures crédibles de formation et des diplômes de moins en moins reconnus explique aussi ce chômage. Les rares entreprises qui peuvent donner des emplois stables boudent les diplômés Ivoiriens. Le BAC Ivoiriens n’est plus crédible au plan international et plusieurs grandes écoles opèrent sans agrément !

« Nos pistes de solution »

Pour lutter efficacement contre le chômage, les jeunes Ivoiriens proposent des pistes de solution utiles aussi bien au gouvernement qu’aux jeunes eux-mêmes. L’auto-emploi et la création des PME est la première solution. Jean Claude Anzian est disquaire et il soutien les initiatives privées. « Il sera impossible pour tous d’avoir du travail dans un bureau climatisé : chacun doit donc penser à créer sa propre entreprise. Bien sûr les jeunes auront besoin de soutien financier et à ce niveau l’Etat pourrait créer des fonds de garanti pour faciliter le crédit » nous explique le jeune homme. Les jeunes Ivoiriens demandent l’assainissement de la filière éducation pour que cesse la fraude, les pots de vin et la tricherie aux examens et concours. Ils invitent le gouvernement à attirer les multinationales en opérant une reforme du code de l’investissement et en réduisant les taxes et l’impôt qui plombe encore l’économie nationale. Enfin ils demandent que les vastes chantiers agricoles pour les cultures de rente soient relancés avec plus de sérieux pour opérer une réelle relance économique par l’agriculture.

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