Quand des pasteurs, prophètes, évangélistes monnaient la guérison des fidèles

5 mai 2012

Quand des pasteurs, prophètes, évangélistes monnaient la guérison des fidèles

Veillée de prière

Quand on a tout essayé et que les médicaments n’ont pas pu venir à bout de la maladie, il ne reste que la foi. Pasteurs et apôtres du Christ deviennent les derniers piliers face à la mort qui menace. Mais les solliciter coûte quelques billets. C’est ainsi, la guérison a un prix…

Si le Christ, de son vivant, avait guéri les malades en leur demandant des pièces d’or à l’effigie de Jules César… Mais non. Le fils de Dieu guérissait aveugles et boiteux sans demander un sou. Aujourd’hui, ceux qui se revendiquent comme ses fidèles serviteurs se pavanent en Lexus dans les rues d’Abidjan et ne semblent pas vouloir appliquer le principe de la charité du Maître. Les temps ont changé, les méthodes aussi ! Pour guérir, il faut mettre la main à la poche. La seule différence avec les cliniques, c’est que dans les églises, il n’y a ni seringues, ni bloc opératoire. Tout se fait par la prière et autres méthodes que certains fidèles remettent en cause.

Le démon est partout !

Certaines missions évangéliques d’Abidjan, la capitale du pays, sont devenues des centres de délivrance incontournables. Elles ont aménagé des pans entiers de leur surface pour que les malades viennent trouver la guérison. Le seul problème est que dans ces camps, tout est ramené à la chasse aux mauvais esprits ! Le paludisme évolue avec des petits démons, les problèmes gynécologiques avec la sirène des eaux Mamy Watta, la paralysie est là car le diable utilise vos pieds en guise de tabouret, etc. Les malades, déjà affaiblis, sont contraints au jeûne et les séances de délivrance occasionnent sont souvent d’interventions musclées pour calmer ceux qui convulsent. Cyriac Gohourou n’apprécie pas ces méthodes qu’il juge « sans véritable fondement biblique « .  » C’est un comportement déshumanisant de voir des malades être trimbalés dans tous les sens. Jésus guérissait sans forcément hurler ou toucher les malades alors d’où viennent ces méthodes qui souvent font couler des larmes aux parents et amis des malades ?  » s’interroge le jeune homme. René Amangoua, fidèle catholique, renchérit pour dénoncer ce qu’il qualifie  » de mauvaise foi des pasteurs et prophètes « .  » Je suis chrétien et je ne nierais pas que Dieu guérit les malades. Le seul hic, c’est que de nos jours, certains pasteurs préfèrent garder des malades qui peuvent se soigner dans les hôpitaux juste pour se faire de l’argent.  » Cet avis n’est pas celui de Célestin N’goran. L’éducateur pré-scolaire et chrétien évangélique estime que  » la majorité des malades qui sont guéris dans les églises ont fait le tour des hôpitaux, charlatans et guérisseurs sans avoir eu gain de cause.  » L’église devient donc le dernier recours et la foi est alors un argument utilisé par certains faux prophètes pour se faire de l’argent.

Le business de la guérison

Gertrude Kouamé a été comptable dans une mission évangélique d’Abidjan. Elle accepte de nous expliquer comment certains pasteurs ont monté des empires financiers par le commerce de la prière de guérison.  » On avait une caisse dédiée aux malades et souvent je pouvais me retrouver avec plus d’un million de FCFA simplement avec de prétendus dons de malades qui étaient en fait une somme obligatoire que chacun devait payer pour recevoir la guérison. Notre bien aimé révérend, en l’espace de quelques années, a offert un duplex à son épouse et se trouve être le propriétaire d’innombrables véhicules de transports en commun et de maisons en location. Je savais d’où venait l’argent et où il allait.  » Cet argent n’est pas la propriété du pasteur mais celle de l’église, même s’il s’avère que le pasteur est le fondateur de la mission.  » La Bible soutient que celui à qui on enseigne la parole peut faire participer ses biens à celui qui l’enseigne. C’est fort de cette parole inspirée des Saintes Ecritures que ceux qui viennent à nous acceptent de faire des dons à l’église. L’argent ne va pas dans nos poches mais dans les caisses de l’Eglise  » souligne un pasteur qui a souhaité resté anonyme. Bien difficile de croire que l’argent si  » difficilement  » gagné par les pasteurs puisse servir à autre chose qu’à leurs propres intérêts. Edouard Bailly, étudiant en criminologie, en est convaincu :  » Les scandales liés aux hommes de Dieu sont fréquents dans ce pays et tout tourne autour des cas d’infidélité et de l’argent. Le milieu du christianisme est aujourd’hui marqué par cet amour du matériel qui pousse des pasteurs à vendre leurs âmes au diable. Le business du commerce de la guérison est l’élément le plus visible de cet enrichissement illicite des hommes de Dieu car la foi ou la puissance que Dieu donne n’est à monnayer.  » Et pourtant.

SUY Kahofi

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