17 décembre 2011

Que l’Assemblée Nationale soit utile au peuple

Une vue de l’Assemblée Nationale Ivoirienne

Bien trop souvent, les Ivoiriens se sentent loin des décisions prises à l’hémicycle. Rares sont les personnes qui sont véritablement au courant des projets de loi de l’Assemblée Nationale… C’est qu’elle semble être plus soucieuse de plaire aux politiciens qu’au peuple qui l’a élu !

Le pouvoir législatif est, en théorie, le plus important en Côte d’Ivoire.  » En théorie « , car en Côte d’Ivoire, on assiste à une hyper Présidence avec des pouvoirs illimités pour le Président. Malgré cela, l’Assemblée Nationale continue d’exister et d’être le lieu du débat politique. Celui qui contrôle l’Assemblée Nationale, contrôle la vie publique du pays. Depuis le Président Houphouët Boigny, l’hémicycle est contrôlé par le parti au pouvoir : le Président est sûr que personne ne viendra lui faire écran s’il décide de faire voter un projet de loi. Les débats n’existent pas sauf lorsqu’un scandale tel que le déversement de déchets toxiques à Abidjan dérange les barrons au pouvoir. Dans ce cas de figure, une Assemblée Nationale à sens unique, préoccupée par la défense des chapelles politiques, peut-elle véritablement servir les intérêts du peuple ?  » Non « , affirme Jean-Philippe Feldman, professeur agrégé de droit et constitutionnaliste français.  » Par essence, l’Assemble Nationale est le centre par excellence du débat politique contradictoire pour impulser le développement d’un pays. Lorsque celle-ci est coupée du reste de la population, elle ne peut servir que les intérêts d’une minorité au détriment de la population  » explique-t-il. L’Assemblée Nationale est-elle autant éloignée du peuple ? Les Ivoiriens se prononcent.

Des élus loin du peuple

L’Assemblée Nationale ivoirienne est marquée depuis 1960 par la présence de ceux qu’on qualifie ici de dinosaures ou de monstres sacrés de la politique. On se demande si le renouvellement habite l’hémicycle, à force d’y voir les mêmes visages depuis 50 ans. Les jeunes sont les premiers choqués par cette composition vieillissante de l’Assemblée Nationale.  » Nous vivons dans un pays où les présidents des jeunes dans les partis politiques ont 45 ans : c’est une manière de vous dire qu’à 20 ans, vous êtes un bébé ! Non, franchement, comment voulez-vous que de vieilles cervelles puissent penser pour un monde qui a foncièrement changé ? Ce n’est pas possible et c’est la raison pour laquelle la politique dans ce pays ne nous fait pas avancer « , s’indigne Faustin G., cadre dans le bâtiment.  » Ces vieux ne sont bons qu’à somnoler sur les bancs du Parlement et à lever la main pour dire ‘oui’ ou ‘non’ quand les quelques jeunes présents lors des débats ont fini de s’époumoner. Ces députés qui vivent depuis une éternité à Abidjan mettent rarement les pieds dans les circonscriptions où ils ont été copté. Quand le député lui-même est loin de son peuple, comment l’Assemblée peut voter des projets de loi utile aux populations ?  » s’interroge Issouf K., étudiant.

Les femmes non plus n’en peuvent plus de cette Assemblée. La raison : la domination des hommes.  » Les hommes ont géré ce pays pendant 50 ans et ils ont passé leur temps à se battre et à semer la désolation et la tristesse. Il est temps que les choses changent : plus de jeunes et de femmes à l’hémicycle pour qu’un esprit de renouvellement puisse s’installer dans ce pays « , affirme Micheline K., technicienne UHF.

Retour au régime parlementaire

Un rajeunissement de l’Assemblée Nationale et une meilleure implication des femmes ne pourront pas, à eux seuls, garantir un changement. Pour le professeur Mamadou Coulibaly, président de l’Assemblée Nationale, il faut revenir à la constitution de 1958 qui consacre un régime parlementaire :  » Pour qu’un parlement soit utile au peuple, il faut bien que celui-ci ait de la valeur et retrouve toute son importance conformément à la Constitution. La Constitution d’Houphouët Boigny de 1958 donne à l’Assemblée Nationale toute sa valeur. Un régime parlementaire sur le modèle anglais de Westminster peut permettre à la Côte d’Ivoire d’avoir un parlement plus utile au peuple.  » Le parlement n’est utile au peuple que si, et seulement si, la Constitution lui en donne les moyens. Or, cela n’est pas le cas en Côte d’Ivoire. Il faut donc limiter les pouvoirs présidentiels, séparer le pouvoir législatif du pouvoir judicaire et exécutif mais surtout faire en sorte que le député lui-même soit à l’abri des besoins. La liberté du parlement ne garantie pas seulement la liberté politique dans une nation, elle définit la liberté au sens large pour chaque citoyen. C’est bien cette théorie que défend Emmanuel Martin, docteur en sciences économiques de la Fondation Atlas, spécialisée en recherche économique :  » La liberté part de principes clairement établis et défendus par des institutions fortes dont l’Assemblée Nationale en est la principale. Un Parlement indépendant dans ces choix, c’est l’assurance que chaque citoyen peut être libre d’entreprendre et de bénéficier des fruits de son labeur. L’exemple comparatif entre les pays à régime parlementaire et ceux à régime présidentialiste parle de lui-même. Dans les pays avec des régimes parlementaires, les indices de développement sont meilleurs, l’indice de sécurité est plus élevé, ces pays ont connu et connaissent moins de coup d’Etat. « 

SUY Kahofi

 

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