Femmes faites-vous dépister, il y va de la vie de votre bébé !

1 décembre 2011

Femmes faites-vous dépister, il y va de la vie de votre bébé !

Vaincre la stigmatisation pour vivre heureuse

Problématique de la transmission mère-enfant en Côte d’Ivoire

La période de la grossesse est un moment assez sensible dans la vie de la future maman. Elle doit redoubler de vigilance et veiller sur sa santé pour protéger son bébé. Cette période de la vie de la femme devient encore plus pénible à gérer lorsqu’elle se retrouve confrontée à une infection au VIH.

Nous sommes mardi, c’est un jour de consultation ordinaire pour les femmes qui fréquentent la maternité Marie Thérèse d’Adjamé à Abidjan. Ce moment est mis à profit par Madame AGHA Pauline, sage femme et major de la maternité pour improviser la séance de sensibilisation sur le VIH avec des mots simples. « Je dois utiliser des mots très simples et souvent même parler nos langues locales pour mieux informer mon auditoire car la majorité des femmes ici présentes n’ont pour certaines jamais mis les pieds dans une salle de classe » nous explique la major AGHA Pauline. Le temps d’un bref contact avec les femmes enceintes la sage femme, forte d’une expérience de 20 ans revêt sa casquette de chef du centre de PTME. Importance du test de dépistage, transmission mère enfant, comportement à risque, le SIDA et la vie de couple sont autant de questions abordées. Depuis le début des programmes de prise en charge mère/enfant sur la question du VIH/SIDA, les autorités Ivoiriennes ont crées les centres de PTME (Protection de la Transmission Mère Enfant) annexes aux services gynécologiques et aux maternités pour accompagner au plan psychologique les femmes infectées et veiller au suivi de la prophylaxie.

Le circuit de prise en charge

La prise en charge des femmes infectées par le VIH répond à une politique nationale d’éradication de la transmission mère-enfant. Celle-ci se fait selon un système bien rodé qui part de la sensibilisation à l’acceptation du dépistage volontaire. Cette activité fait désormais parti des prérogatives de tout personnel de santé affecté dans une maternité. Madame BABO Sabine est sage femme à la PTME du Centre Hospitalier Universitaire de Cocody, elle nous présente le circuit de prise en charge des femmes infectées par le VIH. « Tout commence par le CCC c’est-à-dire le Conseil pour le Changement de Comportement. Nous leur présentons au cours des entretiens l’avantage du test pour la santé de leur enfant. C’est lors de cette étape de la sensibilisation que la femme fait le choix d’accepter ou non le test de dépistage ». Après le test de dépistage les femmes séronégatives retournent suivre leur grossesse de façon normale et celles qui sont infectées sont automatiquement prises en charge. Etre au parfum de son statu sérologique lorsqu’on est infecté par le VIH n’est pas une chose facile pour la majorité des femmes qui sont dépistées. « Plusieurs femmes que je reçois après leurs résultats sont au bords du gouffre ! Certaines pleurent énormément mais dans la procédure de prise en charge c’est une étape importante car les larmes leur permettent d’évacuer la douleur et la peine » affirme Madame Ouattara Fatoumata assistante sociale à la PTME d’Adjamé 220 logements. Passé l’étape de l’annonce vient le moment du traitement. En quoi consiste la prise en charge médicale de la femme infectée ? Madame BABO Sabine sage femme à la PTME du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Cocody nous renseigne. « En dessous de 200 CD4 la femme est mise sous ARV et lorsque que le bilan de santé révèle un taux de CD4 supérieur à 200 une prophylaxie est définie par le médecin pour accompagner la future maman ».

« Comment l’annoncer à mon mari ? »

Le résultat d’un test de dépistage pour une personne ordinaire peut rester un secret pendant des années mais dans le cadre d’une vie de couple la femme enceinte à l’obligation d’annoncer son résultat à son homme. La femme doit vaincre la peur pour annoncer son résultat et amener son homme à faire lui aussi son test de dépistage. Madame AGHA Pauline major de la maternité Marie Thérèse d’Adjamé nous démontre pourquoi l’annonce dans l’intimité du couple est importante. « Nous insistons sur l’annonce dans le couple car les méthodes de protection de la mère en dépendent. Une fois infectée elle doit avoir des rapports protégés pour éviter que sa charge virale ne soit revue à la hausse. Alors si elle ne partage pas son résultat avec son homme comment pourrait-il accepter le port du préservatif ? Si à la naissance l’enfant doit être nourrit avec un aliment de substitut, comment la femme pourra expliquer ce choix à son mari ? Voici autant de raisons pour lesquelles nous insistons sur la nécessité de l’annonce dans le couple ».

La logique veut que la femme annonce son résultat à son homme mais dans les faits la réalité est tout autre. La stigmatisation des personnes qui vivent avec le VIH est telle que de nombreuses femmes préfèrent garder le silence. « Dans 90% des cas où le couple est séro-discordant c’est généralement la femme qui est répudiée ! » nous explique Docteur Koffi Brou chef de la PTME du CHU de Cocody avant de conclure « lorsque l’homme apprend que sa femme infectée, il plane automatiquement le spectre de l’infidélité. Non seulement il refuse le dépistage, met sa femme à la rue et généralement il ne reconnait pas l’enfant qui vient au monde ! ». Le personnel de santé de la PTME du CHU de Cocody confirme les propos du Docteur Koffi Brou. De nombreuses femmes sont chassées du foyer malgré les médiations des professionnels de la santé. Seules sans revenus pour vivre, elles bénéficient de l’aide de quelques ONG pour suivre leurs grossesses et alimenter leurs bébés après l’accouchement. Malgré cette vie de solitude dans la maladie, Mme Kouadio Yama une sage femme insiste pour que les femmes acceptent le dépistage. « L’amour de l’enfant que vous portez doit vous amener à accepter le dépistage. La vie d’un enfant vaut mieux que tout sinon pourquoi accepter de lui donner la vie et de le voir souffrir ? ».

Soutenir les femmes infectées et rejetées

En Côte d’Ivoire 9000 femmes enceintes reçoivent la prophylaxie ARV. Bien qu’il soit difficile de dire combien d’entre elles vivent leurs grossesses toute seule, le gouvernement Ivoirien a mis sur pied des fonds d’aide aux mamans OEV (Orphelins et Enfants Vulnérables du fait du SIDA). Ces fonds permettent aux mamans de se prendre en charge par des AGR, des activités génératrices de revenus. Ce programme est piloté par le Ministère d’Etat en charge des Affaires sociales et de la Solidarité. « Bien que le projet soit destiné aux OEV, notre objectif est d’aider les parents et surtout les mères de famille à travers ce fond. Par le canal des enfants nous redonnons espoir aux familles par les AGR pour que nous puissions atteindre effectivement la politique du 0 décès, 0 stigmatisation et 0 infection » affirme Bagaté Bolou Inspecteur Général au Ministère d’Etat, ministère de l’emploi, des Affaires sociales et de la Solidarité. La question de la transmission mère enfant et du suivi des femmes infectées est le volet le plus important de la lutte contre le SIDA en Côte d’Ivoire nous confie Docteur Adjé Christine Touré du PEPFAR. Pour elle, la sensibilisation doit se faire à tous les niveaux pour que cesse la stigmatisation et le rejet des femmes infectées. C’est seulement à ce prix que les femmes enceintes porteuses du VIH pourront s’épanouir et réduire les risques de contamination de leurs bébés.

SUY Kahofi

 

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