« On ne nous paye pas : c’est ça le vrai problème Grand frère »
Propos diffamatoires tenus pour jeter l’opprobre sur le Gouvernement SORO ou mensonge pour se faire quelques sous ? Chacun pourra tirer les conclusions après avoir lu cet article que j’ai rédigé après ma rencontre avec trois éléments présumés (ou réels) des FRCI. De passage dans le quartier du Mahou Abidjan II Plateau, je tombe nez-à-nez au détour d’une rue avec trois hommes en armes qui disent faire la sécurité du quartier. « Vos pièces » me lance le premier sans autre forme de politesse et moi de lui demander s’il était policier. L’homme dans un français fortement dioulatisé tente de me faire comprendre le bien fondé de sa démarche. « Non monsieur, tu vois non, c’est-à-dire non, ici là il y a des petits délinquants non, qui viennent piller quoi, donc non, nous on fait sékirité (sécurité) » affirme ‘’l’intellectuel’’ du groupe. Sans me soucier de son discours truffé de ‘’non’’ je lui exige de me présenter une carte ou document qui atteste qu’il est membre des FRCI mais mon interlocuteur continue de bégayer. L’un d’entre eux, convaincu que la méthode d’approche est la mauvaise lance à son ami en malinké qu’il faut aller droit au but. « Bêma a fô kê » (Bêma parle) insiste l’autre. « Mon vieux, tu vois non, c’est-à-dire que non, depuis matin quoi…tu comprends non a man domou quoi (je n’ai pas mangé !). Donc Kôrô, tu vois non il faut faire quelque chose pour nous quoi ! » argumente l’intello. Je me débarrasse d’une pièce de 500 f et les remerciements n’en fissent plus ! L’autre timide resté à l’écart se manifeste laissant entrevoir sa dentition cramée certainement par à consommation de café noir et de stupéfiants. « Merci mon vié père soko (choco*). Quand je t’ai vu non, moi-même je suis en drap que tu es un soko ! ».
L’intello du groupe ne veut pas me laissé partir. Il se lance dans une longue grogne avec au centre de son plaidoyer : le non paiement des primes des combattants. « Nous on est FRCI mais si on te dit qu’on déjà eu 5 f dans mouvement là walaï (je jure) on ment. Du matin au soir non, tu patrouilles mais tu ne manges pas ! Quand tu parles au commandant on te dit ‘’débrouillez-vous’’. On n’a rien ! Les chefs mangent et nous les petits on a faim » m’explique le jeune homme. Primes impayés, ce n’est pas la première fois que ‘’les hommes’’ de Ouattara se plaignent de cette situation ! Alors quand je demande à mes interlocuteurs si cette situation pousse certains à piller, la réponse arrive sans aucune hésitation. « Oui kêh ! Il y a certains zéléments (éléments) qui volent. Nos chefs ont attrapé beaucoup. A Bouaké si tu voles on règle ton compte… mais ici c’est chacun dans son chacun (chacun pour soit) » Je demande c’est quoi ‘’on règle ton compte’’ ; les trois hommes se consultent du regard et lâche « on ne dit pas ça comme ça ! ».
A voir ces jeunes gens se plaindre, je me demande bien ce qui a été promis à ces hommes qui se sont battus pour le Président Ivoirien. Pourquoi refusent-ils de quitter les commissariats et les rues ? Pourquoi certains volent et violent ? Et si au fond les hommes de SORO n’ont pas eu gain de cause après la lutte ? A mes interlocuteurs ‘’on’’ a promis l’entrée à la Police mais l’espoir s’est vite envolé après le début de l’opération de profilage. Bêma et ses amis rêvent désormais de retourner à la vie civile à défaut de garder leurs kalachnikovs qui les rendaient pour eux ‘’si respectables’’. De l’argent pour s’acheter un gbaka ou taxi, un permis de conduire et un poste de chauffeur dans l’armée, une boutique c’est désormais le rêve des trois jeunes gens.
choco* : argot ivoirien pour jeune à la mode
Suy Kahofi
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