Tormenta Jobarteh : le djéliba* bavarois !

Article : Tormenta Jobarteh : le djéliba* bavarois !
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24 octobre 2012

Tormenta Jobarteh : le djéliba* bavarois !

De la Bavière à la Gambie sur un air de kora !

Le nom très singulier Tormenta Jobarteh est celui d’un jeune allemand, bavarois de souche, qui est tombé amoureux d’un continent et de sa culture : l’Afrique ! Cet amour nait de sa rencontre avec la kora en Allemagne. « Je rendais visite à un ami quand il a reçu un groupe musical africain. L’un des musiciens s’est mis à jouer de la kora et cet instrument m’a tellement marqué que je me suis mis à couler des larmes. J’ai compris que quelque chose me liait à cet instrument » nous explique Jobarteh. Le destin agissant, l’un des membres du groupe musical décide de rester en Allemagne créant ainsi un vide. La responsable invite Jobarteh à rejoindre le groupe musical. Sans savoir réellement dans quoi il s’embarquait, il quitte son Allemagne natale à l’âge de 25 ans pour un voyage vers la Gambie en Afrique de l’ouest. Il découvre l’Afrique : complètement dépaysé à 400 km de Banjul. Il ne parle ni anglais ni les langues locales ! Il pique sa première crise de paludisme au bout de trois mois dans le village de Jang Jang Bureh mais rien de tout cela ne le décourage.

La voix du griot                                                                 

La persévérance de Jobarteh va s’avérer payante. Il fait la rencontre de Bazourou Diobaté un griot hors pair qui devient son maître et son meilleur ami. Il lui enseigne l’art de l’oralité dans la localité de Boraba en plein cœur de la Gambie. Boraba est un village de griot avec de grandes familles comme les Cissoko ou les Diobaté. A Boraba, Jobarteh apprend la kora en y consacrant 10 heures par jour. Il lui faut 1 an pour apprendre l’accordage de la Kora et après 7 ans d’étude quotidienne de l’instrument il arrive à avoir une certaine maitrise de son art. « L’une des choses les plus importantes c’est que l’aspirant griot fabrique lui-même son instrument : il s’agit de l’un des principes clés de l’apprentissage » soutient Jobarteh avant de dire que « le statut de griot est conféré à un apprenant lorsque devant les anciens son test de passage est concluant ». Les anciens de Boraba mettent un point d’honneur à conserver ce pan de la tradition dans la formation des jeunes car le griot est en lui-même un conservateur de la culture africaine. Il raconte des histoires mais ces histoires sont la mémoire des peuples ! Le griot est donc conteur et musicien. Dans sa formation, Jobarteh apprend certes à jouer la kora mais il ne manque pas de souligner que l’instrument de base des griots est le balafon. Pour son cas en particulier il se plait à préciser « qu’il n’a pas choisi la kora mais c’est la kora qui le choisi » !

La consécration et le regard de l’autre

Jobarteh devient djéliba* après avoir passé le test devant les anciens de Boraba. Il accompagne Bazourou Diobaté son maître en Italie pour une prestation. De passage en Allemagne lors de cette tournée il fonde le Jobateh-Kunda, un groupe afro-caribéen de dance music. Les choses n’ont pas été faciles pour lui : les hommes ont eu des réactions plutôt racistes ! « Un griot blanc, ce n’est pas possible ! » disaient certains. « En Gambie on considérait mon art comme d’ailleurs dans toute l’Afrique ! Sur ce continent, je veux dire l’Afrique traditionnelle, authentique, on ne vous considère pas par rapport a ce que vous avez mais ce que vous êtes comme symbole de valeur. J’ai été souvent écœuré mais j’ai appris à surmonter » nous explique Jobarteh. En 1999 il enregistre un premier disque et parallèlement il réalise des programmes d’éducation culturelle dans les écoles allemandes. Il collecte des histoires d’Afrique et du monde et s’intéresse au soufisme. Ce qui le marque dans cette culture nouvelle c’est l’utilisation des histoires pour l’apprentissage. Il « ouest-africanise » toutes ces histoires et réalise 7 productions discographiques. Dans l’industrie du show bisness il collabore avec Tiken Jah, Manu Dibango, Mory Kanté, Miriam Makéba…

Africain dans l’âme

Jobarteh est fier d’être griot et il estime que c’est là son destin ! Il vit en Gambie depuis 25 ans et demeure convaincu qu’il avait déjà l’âme africaine avant même de mettre le pied sur le continent. « Je n’ai jamais eu du mal à manger avec la main, à vivre dans la poussière et accepter les normes de vie africaine parce que je me dis quelque part que j’étais déjà africain ». L’histoire de Jobarteh est un symbole de persévérance. La vie africaine d’un jeune Allemand abandonné en pleine Gambie et devenu griot à force de persévérance. Il demande constamment à ceux qui l’écoutent à travers l’Afrique de cultiver un certain nombre de valeurs comme l’honnêteté, l’authenticité dans la pratique de son art, le respect de la vie en apprenant à accepter sa simplicité et suivre sa voie quand on l’a définit ! Moralités du conte de la vie du griot Tormenta Jobarteh :

1 – On apprend le savoir dans la difficulté et non dans le luxe

2 – Au moment où nous abandonnons toutes nos cultures d’autres nous enseignent qu’elles ont de la valeur.

SUY Kahofi

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