A la découverte de ces restaurants de rue
« Qui me connait », l’expression désigne généralement en Côte d’Ivoire ces restaurants improvisés dans la rue avec deux tables et de longs bancs. » Qui me connait » peut être remplacé par » ni vu, ni connu ’’ pour les nombreux clients qui se cachent du regard des passants et des éventuelles connaissances pour y manger. Il faut manger vite et partir vite, on ne sait jamais. Ici on sert des plats de toutes sortes entre le bruit des véhicules, la poussière et les points d’ordures si difficiles à ignorer.
Pourtant midi et soir, ils sont toujours de plus en plus nombreux à y déjeuner ou dîner. Les tarifs très attractifs charrient chaque jour de nouveaux clients. Avant, ces lieux étaient bondés de charretiers, de porteurs et autres commençants ambulants. Aujourd’hui, la restauration low cost attire une clientèle de jeunes consommateurs désœuvrés : stagiaires d’entreprises et précaires en tout genre s’y précipitent pour se restaurer à moindre frais. Les restaurants ont pignon sur rue dans les quartiers populaires tels que Yopougon, Treichville, Abobo ou Port-Bouët. Sans eux, comment ce nombre incalculable de citadins sans le sou pourrait-il se nourrir ?
Marché de Belleville
Clarisse et Margueritte gagnent leur vie en improvisant chaque midi un restaurant de rue aux alentours du célèbre Marché de Belleville. Elles nourrissent en moyenne 70 clients en proposant des petits plats de riz, d’attiéké et de foutou d’igname à 250 FCFA (0,37 euros), 300 FCFA (0,45 euros) et 400 FCFA (0,60 euros). Les sauces sont connues des habitués : arachides, graines, sauce feuilles ou tomate avec du poisson ou de la viande. » Ce n’est pas parce que la nourriture est moins chère qu’elle est de mauvaise qualité. Si vous ne faites pas bien la cuisine vous perdez vos clients. C’est vrai qu’avec ce qu’on gagne tout n’est pas donné sur le marché au niveau des denrées mais on joue sur la quantité en fonction de la bourse du client « , souligne Clarisse. Tous les jours, Clarisse et Margueritte se lèvent à 6 h du matin et achèvent de cuisiner à 11 h. C’est donc fumant que les plats arrivent au resto. Généralement elles finissent le service à 13 h ou à 16h-17h quand les clients se font désirer. Dans ce dernier cas, il faut réchauffer les plats. Les clients semblent pour la plupart satisfaits. » La majorité des femmes chez lesquelles je mange font bien la cuisine : si c’est mauvais personne ne viendrait je pense ! Le seul problème c’est la proximité de la route avec la poussière et les mouches… à cause des ordures du marché « , soutient Fabrice, diplômé sans emploi.
» Monsieur, regardez vous-même «
Contrairement aux habitués des restos’ de rue, certains trouvent qu’il est difficile de s’arrêter devant ces plats, encore moins les manger. La qualité et surtout le manque d’hygiène découragent les estomacs les plus affamés. » Monsieur regardez vous-même (notre interlocuteur nous montre une poubelle). Ce n’est pas possible de manger ici ! « , s’indigne Jérôme, menuisier. Pour lui, » les autorités doivent interdire ces restaurants « . Les professionnels de la santé, eux, préfèrent mettre les consommateurs en garde. » Les restaurants de rue rendent d’énormes services aux consommateurs mais je pense qu’il faut penser d’abord à la santé. La proximité des bouches d’évacuation, caniveaux et poubelles est dangereuse pour le client car les mouches sont de puissants vecteurs de maladies typhiques « , soutient Soro infirmier nutritionniste.
Les critiques, Saly la restauratrice, les entend, mais demande aussi à être entendue : » Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous vendons à manger au bord de cette route mais que pouvons nous faire ? Pour éviter de mettre en danger nos clients nous couvrons nos plats et maintenons nos espaces propres « .
SUY Kahofi
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