Crise politique, crise de foi !

8 janvier 2011

Crise politique, crise de foi !

Pas facile de concilier foi, objectivité religieuse et politique

Les religieux Ivoiriens quelque soit leurs croyances, leurs lieux de culte et leur degré de foi sont convaincus d’une seule chose : ils doivent prier pour le retour de la paix en Côte d’Ivoire. Cette recommandation, à entendre certains musulmans et chrétiens est un commandement divin. Or Dieu qui exige d’eux de jeûner et prier pour la paix leur demande de le faire d’un cœur sincère et surtout impartial ! Dans une Côte d’Ivoire qui vit pratiquement au rythme de la politique, on est en droit de se demander s’il existe un seul homme dans ce pays sans opinion politique. Imams, Prêtres, Pasteurs, fidèles chrétiens et musulmans ne prient-ils pas pour leurs chapelles politiques ? La politique s’est-elle invitée dans les églises et mosquées ? Les religieux jouent-ils la carte de l’impartialité dans la crise Ivoirienne ?

Port-Bouët quartier populaire d’Abidjan sud, nous sommes un vendredi soir. Le frère Jean nous invite à assister à une réunion de prière pour la Nation. Les prières fusent de toutes parts et les chants font danser hommes et femmes venus chercher du  réconfort aux pieds du Christ. Tout semble normal jusqu’à ce que le maître des lieux ne fasse son entrée. Très vite la tendance politique de l’église s’affiche. Ici on prie pour que Dieu de sa puissante main foudroie les ‘’forces d’occupation’’. On indexe ouvertement l’ONUCI et la licorne puis le pasteur prophétise séance tenante une guerre de six jours à l’issue de laquelle l’armée ivoirienne, comme Tsahal viendrait à bout des troupes de l’ECOMOG. ‘’Un oiseau de mauvais augures’’ à la sortie nous dira que le pasteur de l’église est ‘’un mendiant de la présidence’’, ces hommes de Dieu qui se sont taillés une réputation de prophète à la solde du Président Gbagbo. « C’est à cause de ce type de prédicateurs que les non croyants s’éloignent de Dieu. Pour des raisons pécuniaires ils sont prêts à n’importe quelle révélation » soutien Bernadin Koffi. Notre interlocuteur est convaincu qu’il nous sera bien difficile de trouver un religieux sincère dans tout le pays. Certains chrétiens eux-mêmes en sont convaincus : « nous proférons des injures à nos adversaires politiques la journée et avec la même bouche nous partons prier pour la paix dans le pays une fois la nuit tombée ! » ironise Kouamé Pascal. « Aujourd’hui seuls des hommes de foi peuvent prier pour la paix dans ce pays. Quand nous prions ce n’est pas facile de ne pas avoir le cœur qui penche vers le RHDP ou le LMP » soutien Mangoua Yves un fidèle baptiste. Il fustige aussi le fait que les chrétiens ne se privent même pas de parler politique dans les églises.

Les leaders religieux ont un rôle important à jouer dans la cohésion sociale (photo non contextuelle)

Pour Karim Sékou les leaders religieux miroir des communautés ont politisé les lieux de culte et exposé les fidèles aux idéaux des partis politiques. « Quand vous rendez visite à un Imam ou un pasteur et qui vous parle de ses choix politiques au lieu de vous enseigner ce que Dieu veut que vous fassiez en temps de crise, que voulez-vous retenir ? Ils sont des leaders et le peuple copie à la lettre ce qu’ils enseignent : la parole d’un Imam ou d’un pasteur, c’est la parole de Dieu ! ». La religion s’est invitée dans la sphère politique et la politique s’est elle aussi invité dans les églises. Difficile de croire que dans un pays où le fait religieux est si vivant l’on puisse trouver des pasteurs chefs de milices et que des mosquées soient des prétendus caches d’armes ! « Je trouve irrespectueux que pour une raison quelconque on jette des grenades lacrymogènes dans une mosquée et que des fidèles en pleine prière soient raflés ! » affirme Pacôme Ahoussi avant de conclure « tout ceci s’arrêtera si les religieux eux-mêmes se prennent au sérieux en étant neutre. En agissant ainsi il n’y a pas de raison pour que les politiciens ne puissent pas les respecter ». Au-delà du respect Nathalie Pokou invite les hommes politiques à ne  pas confondre « les stades pour les meetings politiques et l’enceinte des églises ». « Un politicien peut être chrétien ou musulman mais il se doit d’oublier son parti politique lorsqu’il foule le sol d’un édifice religieux car le seul leader en ce lieu c’est Dieu ! » déclare la jeune dame pour clore ses propos.

Suy Kahofi

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