Pourquoi pas du « vert » pour faire de la concurrence à la CIE ?
Après trois semaines d’intense grogne sociale marquée par des grèves et des mouvements de dénonciation de cyber-activistes sur les réseaux sociaux, le président Alassane Ouattara s’est adressé ce 1er mai aux ivoiriens avec une volonté de calmer ses concitoyens. D’importantes promesses ont été faites notamment dans le secteur de l’eau et de l’électricité, du renouvellement du permis de conduire et d’appui aux syndicats.
L’un des pans du discours du président Alassane Ouattara qui a sans doute retenu l’attention de nombreux ivoiriens est certainement la déclaration relative au monopole de la distribution de l’électricité par la CIE (Compagnie Ivoirienne d’Electricité). Un monopole qui a été perçu par moment comme le symbole du néo-colonialisme. Un filon exploité dans un passé récent par certains politiciens alors que la Côte d’Ivoire et la France, en apparence, ne semblaient pas filer le parfait amour !
A analyser de près, ce n’est pas autant le monopole du secteur de l’électricité par la CIE qui pose problème. C’est au fond la qualité du service qui laisse à désirer ! Trois problèmes majeurs reviennent sans cesse : les coupures intempestives, les tarifications inexplicables et les hausses liées à des taxes connexes. A cela s’ajoute le phénomène du « courant banan banan »* que certains agents de la CIE semblent encourager selon les témoignages recueillis auprès de plusieurs abidjanais. En trouvant des solutions sur le long terme à tous ces problèmes, le consommateur ne se sentirait en rien lésé chaque fois qu’il reçoit sa facture. Les plaintes dans les agences de la CIE, les séquestrations d’agents commis à la distribution des factures et les branchements parallèles disparaitront peu à peu.
Les solutions sur le long terme, voici ce que les consommateurs réclament depuis des années. C’est bien l’une des raisons qui motive l’appel des consommateurs à casser le monopole de la CIE. En libéralisant le secteur, la compétition entre plusieurs compagnies pourrait aboutir à une meilleure qualité du service. Mais en attendant que sonne l’heure de la libéralisation, une autre alternative pour « concurrencer » la CIE existe. Il s’agit des énergies renouvelables !
Booster la révolution verte
A défaut d’avoir un décret de libéralisation du secteur de l’électricité et des investisseurs pour concurrencer la seule entreprise qui fait la pluie et le beau temps, certaines sources peuvent naturellement faire de la concurrence à la CIE. La biomasse et le solaire peuvent rendre les ménages auto-suffisants en électricité. A ce jour ces deux systèmes de production de l’électricité ne représentent que 2,5 et 3% du mix énergétique ivoirien. Le pays veut faire passer cette part à 15% pour pouvoir relever plusieurs défis dont l’accès à l’électricité dans les zones périurbaines défavorisées mais aussi et surtout dans les zones rurales bien souvent éloignées des installations électriques existantes. En ligne de mire, 2000 villages connectés au réseau électrique en 2020 dont 800 d’ici fin 2016. Ces villages pourront être alimentés par des kiosques solaires autonomes, encore faut-il avoir les moyens et surtout la volonté de les installer. En effet il existe en Côte d’Ivoire un véritable paradoxe entre l’ambition de développement durable du Gouvernement et les moyens dégagés pour la soutenir. Le Ministère de l’environnement, de la salubrité urbaine et du développement durable ne bénéficie que de 0,5% du budget annuel de l’Etat de Côte d’Ivoire estimé 7,6 milliards d’euro (5014,3 milliards f CFA). Au sein même dudit ministère, seul 1% du budget est alloué au développement durable !
Passer du discours aux actes
Il va falloir passer des discours et des bonnes intentions aux actes concrets car la Côte d’Ivoire possède un réel potentiel pour booster les énergies renouvelables. A titre d’exemple, le pays dispose d’un gisement inexploité de biomasse estimé à 12 millions de tonne/an. Son exploitation pourrait se faire dans l’esprit d’un partenariat public-privé car de nombreuses entreprises ivoiriennes ont une solide expérience à ce niveau. C’est le cas des entreprises agro-alimentaires dont plusieurs sites sont autonomes en électricité grâce à un circuit fermé alimenté en biomasse. Au niveau du solaire, plusieurs entreprises proposent déjà des solutions intéressantes cependant elles font face à d’énormes difficultés. En Côte d’Ivoire l’énergie solaire coûte chère…et même trop chère ! Il faut compter entre 850.000 et 7 millions de f CFA pour l’installation domestique d’un panneau solaire. Un coût hors de portée pour de nombreux ivoiriens. Ces prix découlent du taux de 20,7% de taxe cumulé sur l’importation des panneaux solaires. L’Etat pourrait booster ce secteur en s’engager à subventionner l’installation du solaire pour les villages, à encourager la production au plan local des équipements et surtout à défiscaliser les intrants importés.
Suy Kahofi
*courant banan banan : branchement anarchique sur le réseau public
Commentaires