Affaire Yacou le Chinois : un crime d’Etat ?

21 février 2016

Affaire Yacou le Chinois : un crime d’Etat ?

Yacou le Chinois, un prisonnier pas comme les autres
Yacou le Chinois, un prisonnier pas comme les autres

Le tristement célèbre prisonnier et tortionnaire Coulibaly Yacouba alias Yacou le Chinois ou El Capo n’est plus. Il a été refroidi ce samedi 20 février lors d’une opération policière dont les images en disent long sur la violence.

Il était bien plus qu’un roi à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) et ceux qui ne l’ont jamais vu dans son élément ne le comprennent sans doute pas encore. Yacou le Chinois faisait la pluie et le beau temps dans l’une des prisons les plus importantes de la Côte d’ Ivoire. Lorsqu’il faisait son entrée à la MACA, les gardes lui vouaient un profond respect, un peu comme un officiel qui arrivait en visite. Sauf que Yacou le Chinois n’est pas un officiel mais bien un prisonnier. Son histoire est celle d’un braqueur et criminel de haut vol déjà condamné à 20 ans de prison. Il purge sa peine lorsque surviennent les évènements de la crise post-électorale. En lançant un assaut sur cette prison, les Forces pro-Ouattara lui permettent de recouvrer la liberté. D’ailleurs il va combattre à leur côté puis intégrer leur rang. Le prisonnier devient donc élément des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) où il obtient le grade de caporal. De cette courte époque de « loyaliste » on retiendra seulement son sobriquet El capo en référence à son grade. Mais l’uniforme ne semble pas être sa tasse de thé car quand bien même il le porte il va retomber dans le crime. Il est reconduit en cellule au terme d’un braquage avec mort d’homme. Cette fois ci il doit purger une peine de 20 ans ferme. Son emprisonnement devient très vite un exil doré. Toujours bien vêtu avec une table garnie au quotidien, il impose une nouvelle discipline au sein de la prison. Il interdit les viols et n’hésite pas à tabasser à mort ceux qui rouspètent. Il gérait à la limite la prison en y organisant un juteux trafic de drogue, de téléphones portables, d’arme à feu et de « location » des cellules aux prisonniers. Depuis sa cellule VIP du bâtiment C, Yacou décidait, moyennant paiement de qui devait occuper quelle cellule dans la prison. Au-delà, l’ancien caporal des FRCI organisait depuis sa cellule de nombreux vols et attaques de domiciles. Il dirigeait une mini-armée au sein de la prison connu sous l’appellation de Yacou Gnang. Tout Abidjan le savait, les journalistes le dénonçaient, les activistes en parlaient sur les réseaux sociaux…mais le régime Ouattara laissait faire !

Un collabo du régime Ouattara

Lorsqu’il devient le tortionnaire des prisonniers politiques pro-Gbagbo, de nombreux ivoiriens commencent à comprendre d’où lui venait son pouvoir. On voit en lui l’homme de main du régime Ouattara et particulièrement du ministre d’Etat Hamed Bakayoko. El Capo avait « carte blanche » pour brutaliser les prisonniers politiques. Ils étaient passé à tabac avec une rare violence. Les visages tuméfiés, les lésions aux organes génitaux et les longs séjours à l’hôpital du pénitencier pour différentes fractures sont la preuve de l’acharnement du chef de gang sur les détenus. Le contrôle de la MACA échappait totalement Gouvernement d’où l’affectation d’Amonkou Monsan en qualité de régisseur. Il remplaçait à ce poste Koné Hincléban vidé pour corruption ! Ses premières prises de décision vont clairement indiquer qu’il n’était pas en villégiature mais venu plutôt pour réaffirmer l’autorité du pouvoir d’Abidjan sur sa prison. Ayant eu vent de la fermeté du nouveau régisseur, Yacou le Chinois tente dans un premier temps de le corrompre. Il remet la somme de 4.000.000 f CFA à ses hommes de main pour acheter la conscience du nouveau patron afin de lui permettre de continuer de mener ses activités répréhensibles dans la prison. Amonkou Monsan refuse car il ne semble pas être intéressé par l’argent sale. Le nouveau régisseur va plus loin en demandant le transfèrement du demi-dieu de la MACA vers un autre pénitencier : le camp pénal de Bouaké. Depuis de longues semaines il résiste mais sent que sa parcelle de pouvoir se réduit car le régisseur veut se débarrasser de lui. Le clash entre Yacou le Chinois le patron officieux de la MACA et le régisseur était inévitable.

Opération policière ou assassinat ?

Impossible d’avoir deux capitaines dans un bateau. Du chef de gang et du régisseur quelqu’un devait céder. Force étant à l’autorité, c’est Amonkou Monsan qui finalement prendra le dessus. Les éléments des forces de sécurité ivoirienne (police, gendarmerie et gardes pénitenciers) ont lancé un assaut sur la prison avec pour objectif de déloger Yacou le Chinois ce 20 février. Les combats font rages et le chef de gang demande à se rendre autour de 11 h 30. Sa requête n’émeut personne et la fusillade va se poursuivre. Au final, 10 personnes sont tués dont un élément des forces de sécurité ivoirienne et plusieurs blessés. C’est la fin pour El Capo… Sa mort fait étrangement penser bien plus à une opération visant à se débarrasser de lui. En effet, le régime Ouattara a traîné pendant de longues années deux (2) boulets : le mercenaire Amadé Ouréni et Yacou le Chinois. Le premier cité était le maître incontesté des forêts de l’ouest ivoirien. Il avait exproprié de nombreux paysans et estimait que ces plantations étaient son butin de guerre. Face aux critiques de plus en plus sévères de la société civile et surtout des partenaires au développement, l’intouchable mercenaire burkinabé sera arrêté. Lorsque que les hommes de main du régime Ouattara deviennent encombrants, tout est fait pour les éliminer ! Yacou le Chinois ne servait plus à rien et ses maîtres n’en voulaient plus également. Il laisse une place très convoité par les survivants de son gang et par d’autres caïds en détention. L’administration pénitentiaire a du mourant à se faire car sans un maintien de son autorité, c’est une guerre de succession qui risque de se déclencher. Elle conduira à la naissance d’un nouveau Yacou le Chinois ou d’un retour à la cartellisation de la MACA comme par le passé.

SUY Kahofi

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