Les assises complètement décalées ! (Acte 1) : le dico de «petit marteau»

7 janvier 2015

Les assises complètement décalées ! (Acte 1) : le dico de «petit marteau»

"Le général bruleur" au premier rang avec sa longue barbe
« Le général brûleur » au premier rang avec sa longue barbe (AFP)

Il y a le côté sérieux du procès en assise des 82 prévenus prog-Gbagbo. Et de l’autre, une version décalée que je m’efforcerai de vous livrer tout au long des semaines… et mois à venir !

« Le droit est une matière très sérieuse », me disait avec un ton solennel mon enseignante il y a encore quelques mois. Mais par moments, l’ambiance du Palais de justice nous fait complètement oublier que les discours qui s’y tiennent peuvent changer radicalement la vie des accusés. C’est bien ce qui se passe lorsqu’un « tradi-praticien » (un naturothérapeute sous d’autres cieux) est obligé de se frotter à cet univers qui lui était jusque-là inconnu. Le nom de Kéipo Marius ne vous dit absolument rien (peut-être). Encore moins les pseudonymes « petit marteau » ou « général brûleur ». Mais pour ceux qui suivent l’actualité ivoirienne depuis les élections de 2010, il s’agit de l’homme qui avait la recette miracle pour protéger les habitants de la Côte d’Ivoire contre les ennemis du pays. Un seau d’eau, une poignée de sel et une bougie allumée. La bougie devait finir sa course dans le seau et celle-ci pouvait servir pour le bain purificateur ! Mais entre-temps Kéïpo Marius alias « petit marteau » ou « général brûleur » s’est découvert une autre passion.

Selon ces détracteurs, l’homme sur lequel pèsent 8 chefs d’accusation, dont atteinte à la sûreté de l’Etat, organisation de bande armée, xénophobie et tribalisme serait le chef de la milice pro-gbagbo du Carrefour Obama à Yopougon-Maroc. Que nenni ! L’homme ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés. Il risque une lourde condamnation, car les assises c’est le sérieux du droit exposant 10 (bon j’exagère un peu). Contrairement aux témoins qui l’acculent, « petit marteau » a un niveau de langue plutôt acceptable. Là où les fautes de grammaire se multiplient chez ses détracteurs, il a le verbe fourni pour s’adresser à la cour et même l’instruire. J’en veux pour preuve cette question du juge Tahirou Dembélé qui n’a pas manqué de soulever un éclat de rire dans la salle.

Le juge : Monsieur Kéipo, vous êtes accusé de tribalisme, savez-vous au moins ce que cela veut dire ?

Kéipo Marius : Oui, mais je ne me reconnais en rien en cela.

Le prévenu démontre au juge qu’il a un nom musulman, fait l’école coranique, grandi au nord de la Côte d’Ivoire, ses amis et collaborateurs sont du Nord alors pourquoi, le poursuit-on pour tribalisme ?

Le juge : Monsieur Kéipo, pourquoi vous citez tout ce beau monde ? Je vous demande si vous savez ce que c’est que le tribalisme ? Si vous ne connaissez pas quelque chose, il faut le dire pour que l’on vous explique.

Kéipo Marius : Monsieur le Président je sais ce que c’est que le tribalisme.

Le juge : Monsieur Kéipo, donnez-moi la définition du tribalisme.

Alors que le juge s’apprête à recevoir une définition sortie tout droit du Larousse, il va apprendre à sa grande surprise que le dictionnaire de Kéipo Marius est bien plus fourni qu’il ne le pense.

Kéipo Marius : Monsieur le Président, pour moi le tribalisme c’est quelqu’un qui trie les tribus ! (éclats de rires dans la salle d’audience)

Policiers, gendarmes, prévenus, journalistes, accusation et défense se dérident pendant quelques longues secondes. Le collège des juges lui-même efface un moment sa mine solennelle, tellement surpris par cet élément de réponse. Mais au fond Kéipo n’a-t-il pas raison de donner une telle définition au mot tribalisme ? Bien sûr que si ! A vrai dire, il a donné la meilleure des définitions au mot, car dire simplement comme Le Larousse que le tribalisme « est l’organisation sociale basée sur la tribu » ne fait pas transparaître la réalité du mot dans le contexte ivoirien. A travers des mots simples, il est arrivé (selon moi) à donner un sens à ces maux dont souffre la Côte d’Ivoire et qui sont basés sur l’ethnie ou l’origine de l’individu. Je veux parler de l’ivoirité, du séfonisme et du rattrapage ethnique qui feront encore plus de victimes si l’on n’y prend garde.

Pour le moment, Kéipo Marius doit prouver son innocence. Demain, s’il venait à retrouver sa liberté, il pourrait alors rédiger le premier dictionnaire en français populaire ivoirien !

SUY Kahofi

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Commentaires

Aboudramane koné
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lool. vite la suite.gbès est mieux que dra