« Je voulais tous qu’ils brûlent en enfer »

4 décembre 2014

« Je voulais tous qu’ils brûlent en enfer »

Difficile d’accepter bien souvent que l’autre soit différent de nous
Difficile d’accepter bien souvent que l’autre soit différent de nous

Avant de demander au ciel de s’abattre sur les personnes qui ont une orientation sexuelle différente de la vôtre, demandez-vous si un être cher ne se trouve pas du côté de ceux que vous appelez les pestiférés, les ratés… les suppôts de Lucifer !

J’ai été urgemment appelé par un de mes aînés, un de ceux que j’appelle affectueusement « vieux père ». De l’autre côté de la ligne, il m’a paru abattu et très préoccupé. Sans me dire pourquoi, il m’a simplement indiqué qu’il voulait partager une nouvelle assez triste. J’ai tout de suite pensé à la contamination d’un de ses parents au Mali par Ebola ou au pire des cas un décès. Lorsque je suis arrivé dans sa vaste demeure de Yopougon, sa première épouse me reçoit avec une certaine froideur et cette phrase : « Ton tonton a bu hier soir ». Khalil* a bu or depuis 5 ans il avait décidé de ne plus toucher à l’alcool pour redevenir, disait-il, « un bon musulman ». Je retrouve mon cher Khalil la tête entre les mains. Sans lever les yeux ni même répondre à mon bonjour, il me demande de m’assoir. Pendant 20 longues minutes, il revient sur les principes qui ont guidé l’éducation de ses enfants, ses origines musulmanes, son amour pour ses épouses et ses enfants…une histoire que je trouvais bizarre et qui commençait à m’agacer ! Finalement au bord des larmes il en vient au fait.

« Je ne comprends rien ! Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Ma fille a été aperçue avec une autre jeune fille en pleine journée en train de s’embrasser. Comme un homme et son épouse sauf que là c’étaient bien deux jeunes filles dont l’une était ma fille ».

Sa fille Assetou*, celle que j’avais surnommée fille-garçon à cause de sa forme et de son look de garçon manqué. Très studieuse, étudiante dans une grande école, elle était la fierté de son père. Mais l’amour qu’il lui portait semble avoir disparu.

« Ma fille…une lesbienne…e t elle a eu le courage de me le cracher sous mon propre toit alors que je la battais pour qu’elle ne féquente plus ces païennes, ces infidèles qui salissaient leur corps et qui ne suivaient pas la voie de Dieu ».

La mère de la petite qui passait par le salon avec son œil au beurre noir avait subi la colère de Khalil. En Côte d’Ivoire, lorsqu’une fille dévie ou se retrouve en difficulté pour une grossesse sur les bancs de l’école ou autre chose, c’est la mère qui est traitée de femme incapable. Je ne trouvais pas les mots pour calmer le père de famille en colère, car je connaissais sa position sur l’homosexualité. Il m’a avoué lors d’une causerie qu’il serait capable « de monter une organisation comme le Ku Klux Klan dont l’objectif serait d’éliminer physiquement les homosexuels ». Khalil n’aimait pas les homosexuels et il ne l’a jamais caché. Il réclamait la lapidation à mort pour ces hommes et femmes et ne manquait pas de s’acharner sur les travestis lorsque nous sortions prendre un pot. Il a juré de renier et de jeter à la rue le premier de ses enfants homosexuels ! Il était loin de s’imaginer que c’était sa fille qu’il aimait autant qui aurait choisi une autre orientation sexuelle.

Comme prévu, il a bien jeté sa fille dehors après l’avoir battu à sang et maudit ! Si la mère de la petite ne fait pas profil bas, elle risque de suivre… Malgré ce choix difficile, je sens bien que pour la première fois Khalil va se poser les bonnes questions sur les gays car l’une de ses phrases en disait long sur son nouvel état d’esprit.

« Je voulais tous qu’ils brûlent en enfer… et voici que ma fille est avec eux »

Que dire pour ne pas énerver encore plus cet homme que je connaissais depuis longtemps ? Mon point de vue c’est que cette histoire lui donnera l’occasion de réfléchir et de changer son regard sur sa fille et sa relation. Peut-être admettra-t-il qu’ils ne sont pas damnés ou maudits ceux qui vont la nuit avec un être de même sexe ? Je sais que le temps agira…comme il agit déjà pour toutes ses filles africaines reniées et chassées de la cour familiale pour leur choix sexuel. Mais pendant ce temps Assetou est dans la rue…

SUY Kahofi

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Commentaires

Berliniquais
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Merci pour ce texte très intéressant et pour le courage de ton opinion, Kahofi. Dans ton court récit, il y a tant de choses révoltantes. Non seulement l'homophobie, mais aussi la condition déplorable des femmes, avec le fait que les mères doivent "expier" les "fautes" de leurs filles. Quel que soit le prétexte invoqué, la violence faite aux femmes n'est pas acceptable. Il y a encore du chemin à parcourir, hélas.

mareklloyd
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Tôt ou tard, il va falloir que les mentalités changent, parce que, que nous le voulions ou non, l'homosexualité est bel et bien là, en face ou à côté de nous. Une maladie? non, je ne crois pas. Un choix personnel? Oui, c'est clair.

gnapo
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Une Afrique Sans Ame Sans Identité Est Une Afrique Qui Court A Sa Perte. Nous Jeune Africain Nous Representons L' Afrique De Demain . Quel Monde Voulons Nous Batir Pour Pour Nos Enfants ? Est Ce Un Monde D'antivaleurs ? Ou Nous Nous Contentons De Copier Les "conneris " Des Blancs Sous Pretexte Que C'est La Mode ? Je Hais L'homosexualité Et Ses Derivés Car Ce N'est Pas Africain .