Côte d’Ivoire : la liberté d’expression en péril ?

1 octobre 2012

Côte d’Ivoire : la liberté d’expression en péril ?

Presse Ivoirienne

Pas du tout facile d’être d’un journaliste proche de l’opposition en Côte d’Ivoire depuis la fin de la crise post-électorale. Les animateurs de la presse bleue comme on les appelle doivent désormais faire profil bas pour ne pas être dans le collimateur du pouvoir ! Blâmes, avertissements, suspension de parutions mais aussi intimidations et violences physiques sont le quotidien des hommes à la plume. Mais que reproche-t-on concrètement aux journaux proches de Laurent Gbagbo ? César Ebrokié du quotidien Notre Voie penche pour une logique de chasse aux sorcières. « Pour avoir désigné Mr AKE N’gbo par le mot premier ministre nous avons écopé d’une sanction matérialisée par une suspension de 6 parutions ! Pour une enquête sur une possible dévaluation du franc CFA certains de nos collaborateurs sont allés en prison. C’est vraiment pour des choses insignifiantes que nous sommes harcelés par le CNP (Conseil National de la Presse) qui fait mine de ne pas voir les dérives de la presse proche du pouvoir » souligne le journaliste. Ce regard accusateur du gouvernement en tout temps sur la presse bleue et qualifié de harcèlement par les journalistes est pour un nombre important d’Ivoiriens la base des violences envers ces hommes de média. Accusations, blâmes, avertissements et suspensions intempestives ont été à l’origine de l’attaque du siège des journaux proches de l’opposition et des violences sur des journalistes il y a peu de temps. « Le fait même que nous soyons proches de l’ancien régime, des journaux proches de l’ancien parti au pouvoir et la manière cavalière dont ce parti est étiqueté par l’actuel parti au pouvoir comme étant derrière les attaques qui se passent dans les camps militaires ; bien évidemment le lien est vite fait, c’est un blanc sain qu’on donne aux militants de s’en prendre à tout ce qui est proche de l’ex-parti au pouvoir » souligne Tché Bi Tché rédacteur en chef du quotidien LG Info.

Les journalistes de Côte d’Ivoire ont dû batailler fort pour avoir le droit de s’exprimer librement. Leur combat à commercer autour des années 1990 avec le printemps de la presse et il serait décevant que des promoteurs de la presse d’opposition puissent être victimes de violence pour leurs opinions. C’est un recul de la liberté d’expression et un coup dur porté à des organes de presse qui éprouvent d’énormes difficultés pour exister. « Quand on casse les sièges des journaux qui ont déjà des difficultés pour joindre les deux bouts, on empêche ces journaux d’appliquer la convention collective. On ne peut pas dire qu’on se bat pour la démocratie dans un pays et s’attaquer aux organes de presse qui constituent même les piliers de cette démocratie » nous explique Boga Sivori vice-président de l’UNJCI, l’Union Nationale des Journalistes de Côte d’Ivoire. Pour de nombreux consommateurs des œuvres de la presse Ivoirienne, le véritable problème des journalistes proches de l’opposition est lié à leurs prises de position plus politiques que journalistiques. Le manque d’impartialité, d’objectivité et de crédibilité s’installe soulignant aussi le manque de formation. Pour Alfred Dan Moussa, journaliste-consultant et Directeur de l’Institut des sciences et techniques de la communication la formation est certes indispensable mais la conscience professionnelle doit être de mise. « C’est avant tout une question de prendre conscience de son rôle, de sa mission en temps que journaliste et une fois qu’on a une claire conscience des objectifs de sa mission on pourra alors, formation à l’appui, faire son métier et s’adapter aux situations de crise ou aux situations ordinaires ». Dans ce débat de sanctions et d’accusations les lecteurs appellent les organes de régulation à jouer franc jeu car aussi bien du côté du pouvoir que de l’opposition, les manquements au code de déontologie sont chaque jour importants. Une certaine impartialité dans le traitement des journaux s’impose au CNP (Conseil National de la Presse) car l’organe de régulation joue toute sa crédibilité. « Si le CNP ne sanctionne que les journaux proches de l’ancien parti au pouvoir et laisse faire ceux qui sont proches du Président Ouattara il devient « le bras armé » de la répression politique et non un garant de la liberté d’expression » affirme Mr Diby un enseignant.

SUY Kahofi

Partagez

Commentaires