Frontière Ivoiro-libérienne : « la sécurité une priorité pour l’Union du fleuve Mano »

25 juin 2012

Frontière Ivoiro-libérienne : « la sécurité une priorité pour l’Union du fleuve Mano »

M. Angui ASSOUAKON Représentant Pays de l’Union pour la Côte d’Ivoire

L’Union du fleuve Mano (UFM) est le regroupement de quatre pays d’Afrique de l’Ouest à des fins de coopération et d’intégration régionale. Créée en 1973 entre le Libéria et la Sierra Leone, l’Union fut rejointe en 1980 par la Guinée. La Côte d’Ivoire fut le dernier pays à faire son entrée au sein de l’Union. L’UFM s’intéresse à toutes les questions touchant le développement économique, la paix et la sécurité des Etats membres. C’est principalement sur ce dernier point que l’organisation s’est prononcée le 15 juin à Conakry à propos du climat de violence à la frontière ivoiro-libérienne. Nous sommes allés à la rencontre du Représentant Pays de l’Union pour la Côte d’Ivoire. M. Angui ASSOUAKON dans cette interview revient sur les principales décisions arrêtées lors des assises de Conakry et leur portée pour les populations à la base.

Eburnietoday : l’Union du fleuve MANO est une organisation sous régionale qui est encore frappé par une nouvelle crise celle de l’insécurité à la frontière Ivoiro-libérienne. Les Chefs d’Etats et de Gouvernement se sont réunis à Conakry, qu’est ce qui ressort de ces assises et que doit-on espérer pour les pays concernés sur le terrain ?

Angui ASSOUAKON : A l’occasion du dernier sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union du fleuve Mano qui s’est tenu à Conakry le 15 juin 2012, un certain nombre de mesures et de décisions ont été prises bien sûr au niveau de la paix et de la sécurité. Vous savez que depuis juillet 2011 la Côte d’Ivoire a été le théâtre de plusieurs incidents à la frontière ivoiro-libérienne au cours desquels il y a eu beaucoup de pertes en vies humaines. Le dernier incident qui a vraiment ému l’opinion publique c’est celui au cours duquel il y a eu la mort de sept casques bleus. Les chefs d’Etat au cours du sommet du 15 juin ont évoqué la question sécuritaire. Vous savez l’Union dispose en son sein d’un mécanisme qu’on appelle le 15ème protocole qui est simplement le cadre institutionnel de coopération au niveau des questions de sécurité, de paix et de défense. Ce mécanisme au sein de notre Union prévoie un ensemble de mesure pour prévenir les crises et pour les gérer quand elles surviennent. Les Chefs d’Etat ont validé ce mécanisme et qui pour l’espèce prévoie l’installation de ce qu’on appelle des unités conjointes de sécurité et de restauration de la confiance. C’est une initiative qui est très louable parce qu’elle est locale. Dans ces unités vous avez aussi bien l’autorité administrative, militaire et policière que les populations. Ces unités ont une mission qui est toute simple : c’est de contribuer à préserver l’entente cordiale entre les autorités que j’ai cité plus haut, de faire des patrouilles conjointes et puis d’essayer de régler certains problèmes mineurs qui se posent à leur niveau. Voici donc la mission première de ces unités et nous pensons au sein de l’Union que ces unités auront un mot à dire dans ce processus de sécurisation de la frontière.

ET : Quand est-il des attaques ?

AA : Vous savez le problème auquel nous sommes confrontés dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest est la résultante de toutes les crises que nous avons connu ces 20 dernières années. Aujourd’hui malheureusement nous avons des mercenaires qui ont combattu au Libéria et en Sierra Léone. Ces derniers sont prêts à offrir ‘’leurs services’’ pour déstabiliser des régimes ou poser des actes de subversion. Nous avons aussi le problème de circulation des armes légères et de petits calibres. Ces deux problèmes rendent difficile la gestion du problème sécuritaire. Concernant les attaques que la Côte d’Ivoire a subit, je dois dire que depuis l’installation des unités conjointes de sécurité à Touleupleu et Danané ces localités n’ont pas été le théâtre d’incidents. La formule fonctionne donc déjà bien !

ET : On note également de part et d’autre de la frontière un certain déploiement de troupes. D’un côté la MINUL qui soutien les Forces Armées Libériennes et les FRCI du côté ivoirien soutenu par l’ONUCI. L’Union du fleuve Mano étend donc collaborer avec toutes les organisations qui peuvent l’aider à instaurer la paix ?

AA : l’Union du fleuve Mano n’a pas d’autre choix que de collaborer avec les autres institutions. Nous avons de très bonnes relations avec toutes les institutions et organisations qui accompagnent ce pays notamment la CEDEAO et l’ONU à travers son bureau pour la l’Afrique de l’Ouest (ONUWA). Vous savez l’approche militaire peut être une réponse à la situation de crise que nous avons vécu mais nous pensons que la solution à long terme c’est de s’intéresser aux problèmes de fond et d’adopter plutôt une approche qui prend en compte les préoccupations des populations à la base. C’est pourquoi les unités de sécurisation conjointes prennent en compte cet aspect des choses et cela va contribuer à l’apaisement de la situation. Ces mouvements de troupes qu’on observe de part et d’autre de la frontière sont effectués pour rassurer les populations et les inciter au retour : l’Union du fleuve Mano adhère à toutes ces initiatives.

ET : On remarque également que cette zone ouest du pays victime des attaques est une zone qui souffre également d’un manque d’infrastructures économiques notamment les routes. Leur absence ne facilite pas les mouvements de troupes et celles des populations pour ce qui est de leurs activités économiques. Quelle est la position de l’Union du fleuve Mano sur la question des voies de communication à la frontière ivoiro-libérienne ?

AA : L’état des  infrastructures routières dans cette zone de l’Afrique de l’Ouest n’est pas du tout reluisant et cela ne facilite pas la tâche à nos armées dans leurs opérations de sécurisation de la frontière. C’est la raison pour laquelle les chefs d’Etat de l’Union du fleuve Mano lors des assises de Conakry ont décidé de mettre en place un ambitieux projet au niveau des infrastructures routières. Nous avons identifié des routes qu’on appelle transfrontalières et qui relient un pays à son voisin. Ces routes doivent être réhabilitées et je suis fier de vous dire que les études sont avancées et bouclées. Nos chefs d’Etat et les experts ont validé les routes qui seront prises en compte dans le cadre de ce projet de réhabilitation des routes inter-états.

ET : Nous remarquons qu’avec ce climat d’insécurité qui s’est installé les mouvements de population sont devenus très importants. Cela peut représenter un véritable manque à gagner pour nos économies dans la mesure où cette zone de forêt est une importante zone de production agricole. L’Union a-t-elle des craintes concernant un prolongement de la crise humanitaire.

AA : La crise humanitaire est déjà là et selon le coordonnateur humanitaire des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire, N’dolamb Gokwey ce n’est pas moins de 13.000 personnes qui ont été recensés comme déplacés internes. Une crise de cette ampleur a forcément une incidence sur les activités agricoles et économiques. Cette partie ouest de la Côte d’Ivoire est une zone où il y a d’importantes cultures : le cacao, le café, l’hévéa et bien d’autres. Ces mouvements de population entrainent donc une perturbation au niveau des activités agricoles et par conséquent un manque à gagner. C’est pourquoi l’Union du fleuve Mano estime que la priorité doit être au retour au calme et à la sécurité par une meilleure collaboration entre les pays membres pour le cas précis entre la Côte d’Ivoire et le Libéria.

ET : Pour finir avez-vous des échos du terrain ?

AA : La dernière mission (20 juin 2012 NDLR) dans l’ouest du coordonnateur humanitaire des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire, N’dolamb Gokwey a permis d’avoir une idée claire de l’évolution de la situation sur le terrain. Les récents rapports soulignent qu’il y a un mouvement de retour des populations mais une préoccupation demeure. La crise humanitaire s’est installée et il faut donc apporter une réponse à tous les niveaux. Il faut aussi que le retour vers les villages d’origine qui se fait très lentement à cause de l’état des routes puisse être accéléré par une normalisation de la situation sécuritaire.

ET : Merci Monsieur ASSOUAKON

AA : Je vous remercie

SUY Kahofi

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