Abidjan/Médicament de rue : Une omerta autour du trafic !

29 novembre 2011

Abidjan/Médicament de rue : Une omerta autour du trafic !

 

Les Ivoiriens ordonnances en main prennent d’assaut la rue pour avoir leurs médicaments

Adjamé Roxy, bienvenu dans l’antre mythique des pharmacies de rue d’Abidjan où depuis plusieurs années le trafic et la vente de médicaments de rue se lègue comme un héritage de mère en fille. Fatou est l’une des doyennes des lieux et elle propose des médicaments depuis plus de 15 ans ! Avec son expérience dans le domaine de la vente de médicament de rue, Fatou ne fait aucune difficulté pour nous révéler l’origine des molécules vendues sur le marché sous une chaleur écrasante. « Les médicaments que nous proposons sur le marché viennent principalement du Ghana, du Nigeria, de la Guinée et certains produits viennent de la Côte d’Ivoire » affirme la vendeuse. Ghana, Guinée, Nigeria et Côte d’Ivoire, les révélations de Fatou nous font prendre conscience qu’un lucratif business est organisé à l’échelle ouest-africaine par des mains obscures. Plusieurs médicaments vendus sur le marché ne sont donc pas autorisés par les services sanitaires Ivoiriens mais cela n’inquiète en rien certains Ivoiriens qui préfèrent se ravitailler auprès des Docteuresses du Bitume et les arguments ne manquent pour défendre ce choix. « Vous savez c’est la situation économique du pays qui nous pousse à venir vers ces vendeuses. Nous sommes conscients qu’il y a des dangers liés à l’automédication mais faute de moyens nous sommes obligés de nous ravitailler ici. En plus il y a plusieurs produits de la pharmacie qui se retrouvent ici. Il y a seulement un problème de conservation sinon il y a de bons médicaments dans la rue » affirme un client d’Adjamé Roxy, venu acheté un médicament contre le rhume.

Côté prix la différence entre la pharmacie et la rue est plutôt tentante pour le consommateur. Une célèbre boite de vitamine vendue à 4185 f CFA en pharmacie est proposée à 2800 voir 2600 après négociation sur le marché. Un sirop pour les insuffisances en fer proposé à 3200 f CFA en pharmacie est vendu à 1750 f CFA dans la rue et ce prix peut chuter jusqu’à 1400 CFA après négociation ! En apparence les médicaments sont bon et moins chers sur le marché mais pour les professionnels de la santé ces produits font plus de mal que de bien et c’est le docteur Sery qui le démontre. « Il y a le problème de la conservation qui fait que le principe actif de ces produits n’agissent plus vraiment sur le mal et au lieu de guérir la maladie, le médicament peut aggraver le mal ». Docteur Sery souligne également que dans la rue les médicaments ne sont pas aussi abordables qu’on le pense. Les vendeuses fixent le prix à la tête du client et font même de la surenchère en fonction du produit. Il y a aussi des véritables problèmes de santé liés à ces médicaments de rue : les organes vitaux des patients sont en danger ! Les reins, les poumons, le pancréas, le foie ou la vésicule biliaire sont des zones qui peuvent être sérieusement endommagé par ces médicaments de rue. Voici pourquoi les médecins invitent surtout les grands malades tels que les diabétiques, les cardiaques et les personnes qui sont des terrains favorables au rhumatisme ou aux maladies héréditaires d’éviter l’auto-médication et de fuir les médicaments de rue.

Une question reste pourtant en suspend : comment des médicaments officiellement autorisés peuvent-ils se retrouver dans la rue ? Des professionnels de la santé sont-ils de mèche avec la mafia du bitume ? « Nous avons écho de telles pratique » nous confie Docteur Sery avant de conclure « vu les médicaments autorisés que ces femmes revendent, il est claire que certains docteurs ou grossistes font sortir des médicaments du circuit officiel pour alimenter le circuit officieux ». Si de bons médicaments se retrouvent sur le marché à même le sol avec la bénédiction de certains grossistes et docteurs pourquoi donc s’approvisionner dans les officines conventionnelles ? « Je choisi la pharmacie parce que je veux protéger ma santé et surtout parce que j’ai les moyens » affirme Beugré Richard un Ivoirien croisé dans une pharmacie d’Abidjan. Pourtant Beugré Richard ne condamne pas ses concitoyens qui se ravitaillent dans la rue. Il estime que c’est faute de moyens que l’Ivoirien se rabat sur les médicaments de rue. Il interpelle les autorités pour que le prix des médicaments soit revu à la baisse pour soulager les populations appauvries par 10 ans de crise.

Nous quittons la pharmacie pour un retour sur le marché. Là nous essayons de savoir qui sont les têtes pensantes du réseau de ravitaillement des pharmacies de rue. Nos tentatives pour avoir un nom ou un numéro téléphone se sont heurtées à une véritable omerta partagé par toutes les vendeuses. « Nous avons des sœurs qui livrent sur le marché, elles disent recevoir les médicaments de certaines personnes…c’est une chaîne mais je ne peux pas vous dire qui sont ces hommes » nous explique Biba une autre vendeuse. « C’est notre secret » confirme Fatou ! Un secret très bien gardé mais que nous allons percer en parti alors que nous quittions le marché la nuit tombée. Une fourgonnette appartenant à un important distributeur de produits pharmaceutiques stationne à Roxy, livre sous nos yeux des cartons et repart. Demain tous ces médicaments inonderont Abidjan car Roxy approvisionne en faux médicaments la quasi-totalité d’Abidjan.

SUY Kahofi

 

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