26 juillet 2011

Vague de déguerpissement à Abidjan

 

Où dormiront cette mère et son bébé cette nuit ?

Le plan ORSEC qui a pour mission d’assainir les zones à risque de la capitale Ivoirienne est entré dans une autre phase que certains sur place qualifient de plus répressive. Le quartier présidentiel de Cocody a décidé de faire peau neuve et les victimes sont les habitants des bidonvilles de Wassa, Blingué I et II. Ces bidonvilles situés à 1500 m du domicile du Président Alassane Ouattara sont adossés depuis des années à l’Université de Cocody. Certains riverains affirment même que le bidonville de Wassa existe depuis 1930 ! La rumeur selon laquelle les nouvelles autorités Ivoiriennes voulaient ‘’en finir’’ avec ces bidonvilles circulait depuis des semaines. Il faut dire que ces baraques avec leurs vieilles tôles rouillées affichaient une misère insolente qui venait narguer les villas huppées du quartier chic de Cocody.

Tout commence trois semaines auparavant lorsque la notabilité des bidonvilles cités plus haut est obligée d’écourter une réunion à cause d’une rumeur persistante. « J’ai appris que les bulldozers stationnés aux abords du quartier sont là pour le raser ! » avait affirmé une jeune fille. Les habitants inquiets sont allés s’informer auprès du chef des travaux de l’université de Cocody qui a eu pour toute réponse cette phrase : « nous sommes là pour nettoyer les alentours de l’Université à cause des travaux d’extension ». Malgré cette réponse plutôt rassurante, l’information continue de circuler et c’est un élément des FRCI qui la confirme. Le Commandant Fargass en charge du secteur de Cocody étant en mission à Bouaké, c’est son second Bamba dit roujo qui est venu porter l’information selon laquelle le cadastre avait l’intention de raser effectivement les maisons ! Pour tenter une médiation, la notabilité s’est rendue à la Mairie, à la Préfecture et même envoyé une délégation de 10 personnes chez le Président de la République. Les tractations n’ont pas porté de fruit comme le souligne ce notable qui a requit l’anonymat. « On nous a fait croire que seule une partie de Wassa proche du grand portail de l’université serait rasée. On nous a même dit que Blingué II serait épargné mais à notre grande surprise les bulldozers ont marché sur les trois bidonvilles ».

 

Chacun se cherche !

Résultat de ce dialogue de sourd entre autorités et habitants le début depuis trois jours d’une vaste opération de déguerpissement. Le désarroi des habitants est grand à l’image de cette mère de famille assise entre ses ustensiles de cuisine. « Vers 2 heures du matin (25 juillet), on est venu nous dire que le Ministre a ordonné aux bulldozers de commencé à casser les maisons. Les gens qui étaient sur place lui auraient dit que les gens dorment et que le pire pouvait se produire. Après des échangent ils ont décidé d’opérer au petit matin. Comme vous pouvez le constater ils sont passé à l’action ». De quel Ministre s’agit-il ? Les populations hésitent entre celui de l’urbanisation et de l’éducation !

La polémique sur le dédommagement

Malgré le sit-in de ces dernières 48 heures sur l’axe carrefour Mitterrand – Collège moderne de Cocody les bidonvilles ont été détruits sous l’œil menaçant des éléments FRCI armes en mains. Contrairement à certains journaux de la place qui ont souligné qu’une opération de dédommagement a précédé ce déguerpissement, les habitants de Wassa, Blingué I et II sont formels : personne n’a reçu un seul centime ! « Comment des gens qui ont été dédommagés n’arrivent pas à payer un taxi pour transporter leurs bagages ? Depuis 2004 seuls les habitants du 3ème pont ont reçu de l’argent ! Personne ne nous a donné 5 f. On nous a demandé depuis trois jours de faire un recensement des populations pour procéder à un dédommagement et c’est profitant de cette fausse promesse qu’ils sont venus tout casser » déclare un notable des bidonvilles. Sur la question des indemnités de déguerpissement l’histoire nous enseigne que les habitants des bidonvilles font souvent preuve de mauvaise fois. L’épisode du bidonville Washington le montre très bien. Le Président Henri Konan Bédié avait fait raser le quartier puis relogé les habitants sur un site neuf, construit au frais de l’Etat avec des maisons modernes. Biabou le nouveau quartier n’a jamais été habité par les déguerpis de Washington. Les habitants ont vendu les maisons et sont revenus rebâtir le même bidonville sur le même site !

Pas si pauvre ces habitants !

Dans l’imaginaire populaire il n’y que les pauvres qui squattent les bidonvilles. Que nenni ! A Wassa, Blingué I et II ne vient pas y vivre qui veut. « Les loyers sont élevés ici. Moi j’ai une deux pièces à 13.000 f à Abobo mais ici vous avez les studios à partir de 18.000 f jusqu’à 35.000 f » souligne Coulibaly un chauffeur de taxi. Parmi les objets amassés sur le sol on remarque certains qui laissent deviner le niveau social des occupants. Parabole neuve, écran plasma dernière génération, climatiseur, chaîne hi-fi…appartiennent selon des jeunes du quartier à des tontons enseignants, professeurs, cadres d’entreprise qui profitent du loyer bas pour être à proximité de leurs lieux de travail.

Officiellement le déguerpissement de Wassa, Blingué I et II répond à des questions de sécurité mais cette phrase lancée par un homme en arme sur le site m’a fait sursauter. « Le Président veut avoir une large vue sur Abidjan quand il va au travail et surtout sur le chemin qui l’y mène » a-t-il lancé avec un large sourire. En Afrique on dit toujours qu’il n’y jamais de fumée sans feu et le citoyen est en droit de se poser une question : et si cette opération de déguerpissement n’était en fait qu’un prétexte pour la mise sur pied d’un plan de sécurisation du Chef de l’Etat ?

Suy Kahofi

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Commentaires

Boukary
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Ah mon Dieu! Le pauvre est toujours exposé!

Kahofi SUY
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@Boukary
OUI imagine toi des personnes qui n'ont aucun endroit où dormir qui se retrouvent à la rue sans aucun dédommagement? Mais l'expérience a montré que les habitants des bidonvilles avaient l'art de revenir sur leur site d'origine. Attendons de voir si les nouvelles autorités pourront mettre fin à ce phénomène!

jean baptiste kouadio
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Ces types d'opérations nécessitent des comportements responsables et citoyen de la part des autorités du pays. Malheureusement ce n'est pas ce qu'on constate à ABIDJAN.
Mais diantre d'où sortent ces hommes sans coeur qui se croient tout permit et qui se permettent de mettre des milliers de leurs frères et soeurs dehors?
En réalité ils ont la trouille et ils voient des caches d'armes de la fesci en ces lieux qu'ils qualifient de poudrière de miliciens.
Hier sur la plus médiocre des télévision (T C I) , j'ai vu l'un des membres de la bande à ALLASSANE justifier ce comportement inhumain vis à vis de leurs semblables. Et pourtant ce dernier est responsable de ce département depuis 2005 si ma mémoire est bonne.
Ce n'est donc pas le plan ORSEC qui est entré dans une autre phase mais une opération de sécurisation du nouveau dictateur de l'Afrique(ALLASSANE)
Ce qu'ils ignorent malheureusement c'est qu'ils multiplient le nombre de mécontents dans le pays. Alors qu'ils ne soient surpris quand les ivoiriens sortiront massivement dans la rue pour dire trop c'est trop. Ce jour n'est peu etre pas loin et c'est dommage....

Boss Alino
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Les Bidonvilles, œuvres de pauvreté ou de corruption? Les bidonvilles ivoiriennes ne sont que l’œuvre d'un affairisme électoral de nos conseillés municipaux depuis près de 40 ans. des employeurs qui refusent d’héberger leurs "boys" ou "bonnes" parce que source d’insécurités sociales. Les maires dans leurs campagnes font toujours allusions à la destruction de leur bidonvilles mais au fond ces lieux représentes l'aspect le plus rentable du quinquennat municipal puisque la vente de ces parcelles à ses "boys" et "bonnes" sont des hors taxes pour le conseil municipal.
En Octobre 2002 le même scenario s'etait passé pour traquer les fameux assaillants. Resultats: toujours "bidonvilles". Alassane a des briques à faire cuire tellement beaucoup d'ivoiriens l'attendent aux tournants (ils y en a plusieurs). A trop vouloir le pouvoir à tout prix même devant un illuminé messianique qu'était son précédent adversaire ça coûte cher en grincement de dents et en rancœurs.