Enquête : Gérant de cabines cellulaires, genèse et évolution d’une profession

19 novembre 2010

Enquête : Gérant de cabines cellulaires, genèse et évolution d’une profession

Un gérant de cabine sous son abris

Les origines de la profession

Les gérants de cabine téléphonique sont bien connus des Ivoiriens depuis plus d’une dizaine d’années. Si aujourd’hui ils sont bien visibles à tous les carrefours, cela n’était pas le cas  avant la vague de privatisation du secteur de la télécommunication. L’ex entreprise d’Etat ONT (Office Nationale de Télécommunication) avait développé un réseau de cabine à jeton pour permettre aux Ivoiriens de pouvoir communiquer à partir de 100 f CFA quelque soit l’endroit où ils se trouvaient. Le projet a vite échoué à cause la destruction en série des cabines : des voleurs armés de pied de biche et barre de fer faisaient le tour d’Abidjan pour éventrer les cabines et récupérer les jetions. Le projet a pris une autre tournure avec l’arrivée de la CI-Telcom : les cabines à jetons ont fait place à celles à cartes téléphoniques prépayées. En 1990 c’est la grande vague des privatisations ! La CI-Telcom ne répondant plus aux aspirations des Ivoiriens a cédé sa place à Côte d’Ivoire Télécom qui a décidé de libéraliser le secteur des cabines. Avec des recharges pour téléphone fixe à 100.000 f CFA, l’entreprise a permis à des privés de créer leurs propres cabines. Puis l’arrivée du portable cinq ans après a tout bouleversé ! Les cabines à téléphone fixe ont fait place aux cabines à téléphones portables ou cabines cellulaires pour utiliser l’expression propre aux Ivoiriens.

L’évolution de la profession

Deux expressions désignent les gérants de cabine : cabiniers ou cabinards ! Une toute petite poignée au début et aujourd’hui un nombre incalculable. « Au début de l’aventure nous n’étions pas aussi nombreux » souligne Sanogo Ibrahim gérant de cabine. « La minute de communication vers un portable coûtait 500 f CFA et ce n’était pas à la portée de tout le monde. C’est avec la chute des tarifs de communication et l’arrivée de nouveaux opérateurs mobiles que les gérants de cabines sont devenus si nombreux » conclu t’il. Au tout début de l’aventure du portable en Côte d’Ivoire un seul opérateur contrôlait le marché : l’entreprise Ivoiris qui par la suite devient Orange Côte d’Ivoire. Les communications étaient coûteuses et seuls quelques nantis avaient les moyens d’avoir une cabine. Après Ivoiris, suit l’entreprise Télécel qui deviendra MTN. « Avec deux entreprises la concurrence était ouverte les prix ont commencé chuter. Nous sommes passé de 500 f la minute de communication à 250 f » soutien Kouamé Jean Luc un autre gérant de cabine. Suivent d’autres opérateurs : Moov, Koz et Green qui viennent casser le prix des appels. Désormais c’est possible de communiquer à 100 f CFA dans une cabine et souvent même en dessous. Si à l’origine le gérant de cabine ne faisait qu’émettre des appels, ces activités se sont multipliées : ils transfèrent des unités et vendent aussi des recharges.

Rentabilité et concurrence

Au fil des années le nombre des gérants de cabine augmente. Malgré cette situation chacun semble tirer son épingle du jeu ! Les marges de bénéfice ne sont certes pas énormes si l’on s’en tient au pourcentage de 5 % sur un rechargement. Par exemple avec 10.000 f CFA de crédit d’appel un gérant peut se retrouver avec 500 f CFA de bénéfice. S’il s’arrange à utiliser les produits des quatre plus gros opérateurs ils se retrouvent à 2000 f CFA pour dix mille sachant qu’il peut multiplier son gain par six ou sept en fonction de son efficacité sur le terrain et surtout de l’affluence de la clientèle ! « Il serait malhonnête de dire que le gérant de cabine ne s’en sort pas avec son activité. Comme toutes les professions du monde il faut savoir gérer pour pouvoir s’en sortir » soutien Sam Guédé revendeur de crédit de communication. « Le gérant comme le client prépayé tire profit des fréquentes promotions au niveau du tarif de communication. Si le tarif chez l’opérateur baisse, il baisse le coût de l’appel pour avoir plus de clients. C’est ainsi que souvent on peut voir la communication à la minute passer de 100 à 50 voir 25 f CFA » conclu t’il.

Même si pour le moment les gérants de cabines téléphoniques s’en sorte, il faut reconnaitre que certains s’inquiètent de leur sort futur. « Aujourd’hui les tarifs de communication chutent et avec la concurrence que se livre les quatre opérateurs je crains que demain on ne propose aux clients des abonnements à prix réduit ou des forfaits mensuels alléchants. Dans ces conditions que deviendrons-nous ? » s’inquiète Boka Isidore gérant de cabine. En attendant que ce scénario catastrophe ne devienne réalité un matin, les gérants de cabine se frottent toujours les mains et contribuent à rendre possible les communications entre familles, parents et amis disséminés sur l’étendue du territoire national.

Suy Kahofi

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Commentaires

Ziad Maalouf
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Lalatiana Rahariniaina
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wow... Justement, je viens, moi-aussi de poster un petit article sur ces cabines cellulaires que nous appelons "Taxis-phones" ici à Madagascar. https://ariniaina.mondoblog.org/2010/11/24/taxi-phones/

C'est super de découvrir qu'on a des ressemblances avec d'autres pays :)

Boukari Ouédraogo
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Je viens juste de lire l'article de Arinaina avant de voir celui-ci. Comment l'Afrique se ressemble!!!